L'antre aux fantômes des collines de l'ouest

Quelques contes chinois écrits entre le XIIè et le XIVè siècle. Leur particularité est d'être écrits en langue vulgaire et destinés à être contés au grand public, et ce qui fait leur rareté. Les textes de cette époque conservés en Chine étaient les textes de lettrés, pas ce type de conte destiné à une transmission orale. La découverte de ces textes au début du XXèe siècle à Shangai semble avoir été un évènement dans un micro-milieu d'érudits, et ouvert de grandes batailles concernant leur authenticité et leur datation exacte. Ont survécu à ce débat ces sept contes qui ont fait consensus pour des raisons expliquées dans la préface d'André Lévy.

Les cabarets à spectacles ont fleuri en Chine dès le XIè siècle, chaque grande ville comptant des dizaines de salles pouvant acceuillir des milliers de personnes, sans compter les multiples spectacles en plein air. S'y sont développés des écoles de narration aux style différents, très élaborées, en concurrence les unes avec les autres (l'entrée était payante). Ce livre est un faible écho de cet univers disparu.

Le titre paraît un peu racoleur, la majorité des histoires ne traite pas de revenants. Mais s'ils sont rares, les revenants chinois de ces contes sont très inquiétants : à la différence des fantômes occidentaux, ils sont d'apparence normale et possèdent une ombre. Leur mort est indétectable et leur vie normale. Cependant leur présence est un signe que quelque chose ne tourne pas rond dans la vie des gens autour d'eux.

Le caractère amoral de certaines histoires est frappant, la première nouvelle "la kouan-jin de jade" donne le bon rôle à une esclave en fuite, quand le noble seigneur agit avec violence. Toutes ces histoires ont un ton très pessimiste qui est parfois masqué par une morale à la petite semaine, visiblement rajoutée pour rendre l'histoire acceptable.

La variété des procédés de narration est très étonnant, le récit est rythmé par des disgressions et poésie destinées à garder le lecteur en haleine, mais tout est très construit. Le récit est souvent surprenant, peut devenir sa propre parodie (le catalogue des fantômes délirant dans "l'antre aux fantômes des collines de l'ouest") ou même tendre vers un peu d'érotisme : "le miroir de la fidélité conjugale" parle d'échangisme, comme son titre ne l'indique pas.

Livre divertissant à lire, mais j'ai regrété qu'il n'y ait pas plus de notes pour expliquer un peu mieux le contexte de ces histoires remaniées à travers les siècles, certaines très archaïques.

Une minuscule partie de cette chose très déroutante qu'est la littérature chinoise ancienne.