Je suis la réincarnation de Géza Maróczy

C'est la révélation du jour !

Je dois pour cela remercier l'ami Snake qui m'a plusieurs fois défié aux échecs sur msn cette semaine, ce qui m'a fait découvrir, avec une certaine surprise, qu'il existait sur terre des gens aussi, heu, non, je veux dire des gens plus nuls que moi aux échecs :D

Mes plus hauts faits d'armes de la semaine ayant été un pat (j'ignorais ce qu'était un pat, d'ailleurs j'ignore toujours ce que c'est. Apparemment c'est quand l'ordinateur a tellement pitié de nous qu'il nous dit d'arréter, il en peut plus de voir ça) obtenu avec brio et par accident dans des conditions très défavorables, un échec et mat particulièrement brillant de ma part et une défaite obtenue sournoisement par mon adversaire, grâce à des procédés obscurs et laborieux. Si je me souviens bien j'avais dû m'incliner pour lui faire plaisir, c'est sûrement cela. Pauvre Snake.

Bref, imaginant sans doute être capable de me battre, l'ami Snake a commandé Chessmaster 10 d'Ubisoft, considéré semble t'il comme référence en la matière dans la perspectives de parties enflammées via internet.



Pour le contrer, je me suis également procuré ce logiciel et m'apercevant que je n'avais même pas de jeu d'échec chez moi, j'ai trouvé un petit jeu d'échec en verre assez laid pour 10 euros au BHV (10 euros parce que le roi noir est ébréché). D'ailleurs, la portée de cet exploit est à relativiser, j'ai ensuite vu un magnifique échiquier en verre de Venise parti pour 30 euros sur eBay. Tant pis. Si je persévère (comprendre : si je joue plus d'une semaine) je me prendrai un échiquier en or massif et marqueterie de luxe, seul digne d'un joueur tel que moi.

De son côté, Snake, incorrible Geek, s'est acheté un jeu d'échec Seigneur des Anneaux qui est probablement à l'origine de cet engouement subit pour le jeu.



La jouabilité de ce bidule me paraît au passage douteuse, aucun pion n'étant identique, pas plus que les fous, cavaliers ou tours. Un bon test pour les capacités d'abstraction d'un joueur, et heureusement pour Snake, Chessamster 10 propose plusieurs visualisations d'échiquier très sobres et très claires.



Je découvre ce jeu. Un peu ardu, j'ai essayé quelques cours proposés avec leurs commentaires, peut-être pas la meilleure chose pour commencer. Le jeu illustre des centaines d'ouvertures et de schémas tactiques différents, et propose des exercices pour voir si on les connaît par coeur et si on les maîtrise. Assez décourageant, il faudrait environ 50 vies à un type comme moi pour retenir 10 % de ce qui est montré. J'ai essayé quelques exercices sur l'ouverture écossaise, au hasard, et je me suis aperçu 10 min après que j'avais tout oublié. C'est mal barré cette histoire.

Peut-être que des parents tortionnaires sauront tirer pleinement profit de ce logiciel avec leurs progéniture "Si tu n'apprends pas tes leçons immédiatement , je te fais faire 20 exercices sur Chessmaster 10 avec le replay et les commentaires rétroactifs - OOOh pitié maman, non, pas ça, c'est trop horrible, je vais faire mes leçon."

Je suis donc entré dans le vif du sujet, et voyant que l'utilisation de certains jeux de pions exigeait environ 60 victoires en parties notées, je me suis lancé dans les parties notées histoire de débloquer un peu tout ça. C'est vrai quoi, c'est humiliant les jeux bloqués, ça fait newbie, et je ne voudrais pas qu'on croie que je suis newbie des échecs. La suite allait me donner amplement raison, vous allez voir.

Choississant un adversaire à ma mesure, à savoir Cassie, identifié par le jeu comme la simulation d'un enfant de 2 ans et demi particulièrement demeuré, j'ai découvert que j'étais en réalité la réincarnation d'un génie des échecs : Géza Maróczy.

Cette révélation a été un peu laborieuse, certes, j'ai quand même perdu 3 parties de rang contre Cassie, mais à la 4è mon génie s'est affirmé dans toute sa splendeur. 30 minutes pendant lesquelles mon adversaire sacrifiait inutilement toutes ses pièces dans le but évident de me déstabiliser. Je suis sorti vainqueur de cette guerre psychologique contre la machine, et enfin, alors qu'il ne restait plus en face que le roi et 2 pions, je suis parvenu, avec une virtuosité et une audace qui m'impressionne encore, à faire mat.

Mon ego a encore grossi en lisant l'analyse de la partie, d'après l'ordinateur je n'ai raté que 4 occasions de faire mat avant cette conclusion (c'est exprès, je voulais pousser mon adversaire à bout, j'ai remarqué que ça marche bien contre les ordinateurs) et l'ouverture que j'ai utilisé est la défense Alekhine dans sa variante Maroczy.

Je sentais bien aussi que j'étais au top, et je n'explique cette coïncidence que comme la révélation évidente que je suis habité par un génie des échecs.

Je suis donc né en Hongrie en 1870, j'ai pris ma retraite en 1908 pour me consacrer plus entièrement à l'enseignement des mathématiques. J'ai fait un come-back fracassant dans le monde des échecs en 1920. Je suis mort en 1951. Cette ouverture qui porte mon nom est en réalité une variante de l'ouverture sicilienne et peut déboucher sur ce qu'on appelle l'étau de Maroczy, ou stratégie du hérisson. Tout cela est très impressionnant non ?

Je vous en dirai plus quand j'aurai un peu mieux compris l'ampleur de ma virtuosité intellectuelle. Mais dores et déjà, je peux me regarder différemment dans la glace.

Et je vais me recoucher, c'est crevant d'être un génie.