Le plus grand disque de tous les temps du mois : les Etudes de Ligeti par Pierre-Laurent Aimard


György Ligeti est décédé en 2006, après avoir laissé une œuvre considérable qui me paraît marquée à la fois par l'expérimentation, la curiosité et une absence de dogmatisme exceptionnelle (pour un compositeur célébré de façon si officielle par la grande chapelle des sériels-ennemis résolus de la tonalité).

Ses études pour piano sont une merveille d'équilibre et de liberté. Ce genre à part, très centré sur le piano depuis celles de Chopin, est l'exercice le plus bizarre qui soit, les compositeurs qui l'ont pratiqué y font souvent une musique très personnelle et libre dans le cadre le plus formel et aride qui soit. C'était vrai de Chopin, également de Debussy qui en fait ses pièces les plus expérimentales vis à vis de la tonalité (elles sont d'ailleurs assez peu jouées, je pense parce qu'elle déroutent par rapport à la norme debussyste), Ligeti est je crois le dernier en date à avoir fait cet exercice à ce niveau de musique.

La complexité d'écriture est telle qu'elle doit échapper à quasiment tout le monde : utilisation d'éléments d'ethnomusicologie, d'unités élémentaires tirées de la musique africaine, de Jazz, un contrepoint de mathématicien fou, de la polyrythmie, des expérimentations, par exemple la tentative de faire surgir des voix additionnelles non écrites.

Mais cette construction intellectuelle tarabiscotée est tempérée par une approche tactile du piano, Ligeti a voulu des "véritables " études, c'est à dire des pièces pianistiques. Et un étalage de virtuosité pris aussi comme fin en soi, stimulé par ses propres limites techniques : il a écrit ces pièces pour le virtuose qu'il aurait rêvé d'être.

Ce qui est évident, à entendre le résultat, c'est l'imagination jamais en défaut de ce compositeur. Il ne semble pas utiliser de trucs théoriques comme but de sa musique, mais comme moyen pour parvenir à un résultat poétique.

Dans ce volume 3 de l'édition Ligeti chez Sony, Pierre-Laurent Aimard semble comme en transes, en symbiose avec cette musique dont il veut nous montrer toutes les beautés et les subtilités, jamais comme un professeur mais comme un véritable amoureux de cette musique.

Un indispensable !


Pour être exact, il n'y a que les deux premiers livres d'études, manque le troisième (à l'exception d'une étude : White on white, dont c'est le premier enregistrement en 1995, ce troisième livre était en cours d'écriture.)

Il y a également Musica Ricercata, une très belle pièce de jeunesse de Ligeti.

Commentaires

DavidLeMarrec a dit…
Je suis tout à fait d'accord avec ça. C'est très accessible, finalement ; c'est passionnant aussi, tout ce qu'il s'y passe.

Alors que, comme tu le sais, je ne suis pas un grand fanatique de Ligeti par goût personnel (ce qui ne limite en rien son intérêt considérable), ces études me plaisent vraiment beaucoup.

Ton analogie avec Chopin est très pertinente : un laboratoire formel formidable - mais pour moi, ce serait donc plutôt avec les Préludes qu'il faudrait comparer.

Ca fait partie des quelques oeuvres de Ligeti auxquelles je reviens avec plaisir (comme Mysteries of the Macabre et le Concerto pour piano).
J'ajoute qu'elles ne sont pas si difficiles qu'elles peuvent le paraître. Il y a même le tempo lent très confortable de l'Etude Arc-en-ciel qui change l'exercice en balade de santé (sauf pour les déchifreurs poussifs, je le crains :-) ).

Il faut éviter Idil Biret chez Naxos (comme d'habitude). Pour le reste, on peut foncer.
Fanch a dit…
Ah tiens non, je n'avais pas fait gaffe que tu n'avais pas Ligeti.

Tsssssssss...

De pire en pire...

CSS n'est plus ce qu'il était...
DavidLeMarrec a dit…
C'est mon droit de préférer STO, non ?

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