Récital Nina Stemme / Bénédicte Haid




J'ai enfin entendu Nina Stemme ! Enthousiasmé par ses enregistrements des quatre derniers lieder de Strauss, avec Antonio Pappano, et surtout ses deux Isoldes parues (Pappano/Domingo/Stemme/Fujimura/Pape et Belohlávek/Gambill/Stemme/Karneus/Pape), j'avais pris il y a deux saisons une place pour l'entendre dans une Salomé de Strauss en version de concert. Malheureusement, il y avait eu annulation et Janice Baird à la place.

Confiant, j'ai repris une place pour ce 17 février, un récital piano/voix avec la pianiste Bénédicte Haid. Une super soirée !

Le programme était absolument splendide :

Edvard Grieg
Våren, Fra Monte Pincio, En Svane, Hører jeg sangen klinge, Solveigs vuggesang, Med en vandlilje.
Richard Wagner
Wesendonck Lieder Nr. 1. Der Engel, Nr. 2. Stehe still!, Nr. 3. Im Treibhaus, Nr. 4. Schmerzen, Nr. 5. Träume,
Jean Sibelius
Cinq mélodies, op. 37
Sergueï Rachmaninov
Ne poj krasavica, V molčan'i noči tajnoj, Zdes' Khorosho, Aprel’! Vesnyi prazdnicnyj l den’ Uvjal cvetok, Vesennije vody.

Comme je m'y étais pris au dernier moment, je me suis retrouvé dans une place bizarre au premier rang. C'était intéressant, d'habitude je déteste, mais pour un récital, pourquoi pas. Et puis comme ça j'ai expérimenté pour vous un soprano dramatique de format wagnérien à moins de trois mètres. C'est une expérience en soi : il y a du décibel !!! Je sentais l'air vibrer mais on s'ajuste vite à cette écoute étrange qui scotche au fauteuil à chaque fois que la chanteuse à la mauvaise idée de tourner sa tête dans votre direction.

Mais j'exagère, et ce n'est pas qu'une affaire de puissance et de volume. La voix est magnifique, sombre mais avec quelque chose de très chaleureux que je n'avais pas perçu au disque. Le timbre est bourré d'harmoniques, c'est d'une très grande beauté en soi. La technique est bluffante, évidemment ce type de voix n'est pas très agile, mais par contre les pianissimos son somptueux, les aigus impeccables. Pour une voix aussi ample, il n'y a pas tant de vibrato par rapport à ce que le disque pourrait laisser présager. Il faut dire là aussi qu'elle a du dimensionner sa voix au récital avec piano.

La diction est impressionnante : tout est parfaitement articulé, aucune consonne n'est escamotée, même dans les pires aigus. D'ailleurs, les rappels chantés en français ont été la preuve de ce qu'on ressentait dans tout le concert : tout était parfaitement audible et articulé, pas besoin de surtitres alors qu'elle ne semble pas bien parler français quand elle ne chante pas. Dans ces deux chansons de Kurt Weill, c'était étonnant, elle n'avait même pas d'accent !

L'implication est totale, le texte est rendu bien vivant, bien interprété sans maniérismes avec des pointes d'intensité. Mais c'est un équilibre, et ce n'est pas qu'une diseuse, également une musicienne, les phrasés sont magnifiques.

Bref, une très grande chanteuse qui a paru dès le début très sûre de pouvoir compter sur ses moyens vocaux tout en était un peu inquiète de cette première parisienne. Très vite, elle s'est décrispée et a même un peu communiqué avec le public (elle semble adorer cela) pour les bis - au nombre de quatre, Kurt Weill : Je ne t'aime pas et Youkali, Richard Strauss : Zueignung, Edvard Grieg : Jeg elsker dig.

Le public est passé du toussage délirant au début à l'enthousiasme délirant à la fin.

Un très grand concert, qui a largement dépassé les attentes que j'en avais. Tout était bien : le programme, la chanteuse, tout quoi.

J'ai l'impression qu'on va entendre parler d'elle dans les années à venir - mon oracle n'est pas non plus une révélation, on parle beaucoup d'elle déjà - , sa carrière a littéralement explosé en moins de cinq ans. En plus d'opéra italien, elle continue à chanter Isolde et a ajouté Brünnhilde (toutes les Brünnilde en définitive), elle parait en pleine confiance de ses moyens vocaux !

Vivement la suite !

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