Daniel Mendelssohn - Les Disparus
Les Disparus de Daniel Mendelssohn semble avoir eu un certain succès l'année dernière, sur un sujet toujours difficile de la mémoire de l'extermination des juifs en Europs centrale pendant le seconde guerre mondiale.
L'auteur est un professeur de littérature et critique new-yorkais qui s'est toujours interrogé sur l'histoire de sa famille, réfugiés de la Shoah. Pendant les fêtes familiales, il écoutait les histoires telles que racontées par les "anciens" de la famille. Ceux-ci se penchaient parfois vers lui et lui disaient qu'il ressemblait tant à l'"Oncle Schmiel". Mais les réponses sur l'Oncle Schmiel ses quatre filles et sa femme, mort dans la Shoah restaient bien évasives.
En 2001, réalisant que les témoins survivants de cette tragédie étaient en passe de tous disparaître, il a senti une nécessité intérieure de mener l'enquête, quand et comment la famille de l'Oncle Schmiel a t'elle disparue dans la tourmente ?
Daniel Mandelssohn est un enquêteur méticuleux. Il ne néglige aucune piste et raconte chacune d'entre elles, même celles qui seront des impasses. Sa curiosité est insatiable sur ce qu'a été la vie à Bolechow ce village aujourd'hui en Ukraine, mais qui a au cours du temps été Polonais, Allemand, Autrichien, Soviétique... Car bien vite, il comprend que ce qui compte, ce n'est pas de savoir comment les disparus sont morts, mais de savoir comment ils ont vécu. Même quand on ne souvient plus de leur prénom avec exactitude. Prénom ou diminutif ? Même quand on ne sait plus combien ils étaient, il y avait trois ou quatre filles ? Même quand on ne s'aperçoit qu'on n'a plus de photographies de certaines personnes. Même quand on n'est plus sûr de l'emplacement de la maison. Qu'on traduit mal château et cave.
Et on va de surprises en surprises. On comprend les zones d'ombre. Le sentiment de culpabilité de la branche de la famille qui s'est enfuie aux Etats Unis et n'a pas su comprendre la détresse de l'oncle Schmiel, fier chef d'entreprise qui tombait le masque de la fierté au coin d'une lettre pour demander de l'aide avant de disparaître. Les voisins qui dénonçaient, étaient indifférents ou aidaient au risque de leur propre vie. L'identité broyée de cette ville rurale dont plus d'un tiers de Juifs avant la seconde guerre mondiale et qui ne sait même plus à quel pays elle appartient. L'enquête dure jusqu'en 2005, et mènera en Scandinavie, en Australie, en Israël et à Bolechow même, à plusieurs reprises. Les premières fois, avec les mauvaises questions aux mauvaises personnes, puis l'enquête progressant, enfin, les bonnes questions aux bonnes personnes. Et le hasard, et un coup de téléphone, un soir, " Bonjour, vous ne me connaissez pas, mais j’ai appris que vous cherchez des renseignements sur Bolechow. Je peux peut-être vous être utile. " Et petit à petit, Daniel Mendelssohn parvient à retrouver des parcelles d'un monde révolu, disparu, enterré. Comme des parcelles de vérité qui sortent du néant. D'une affaire précise, avec des détails méticuleusement assemblés, le livre parvient à faire revivre un monde. D'horribles découvertes macabres. Des doutes, jusqu'à la fin.
Son style va de digression en digression, parle d'exégèse judaïque, de philosophie grecque mais il devient bientôt évident que ce sont ces digressions qui font l'essentiel de l'œuvre, et qu'il n'est jamais question d'autre chose que de ces disparus et de leur vie détruite.
Un très grand livre.
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