Verdi à Batille et Garnier, la Mortier's touch
Je m’étais dit que ma saison était finie, ayant raté Da Gelo a gelo de Sciarrino à Bastille (je croyais que c’était fin juin, je sais pas pourquoi, mais quand j’ai regardé les dates exactes c’était bel et bien fini) et la nostalgie de cette saison m’a prise, j’ai donc joué les prolongations cette semaine.
Mois de juin oblige, cela n’a pas été si dur ni si long d’avoir des places de dernière minute pas chères pour les 2 opéras actuellement à l’affiche : La Traviata de Verdi et Un Ballo in maschera du même Verdi.
Les deux spectacles sont très différents, pourtant ce sont deux nouvelles mises en scène initiées par le même Gérard Mortier. Et j’ai cru comprendre qu’il y avait un souci entre Verdi et Mortier, l’un n’aime pas l’autre et réciproquement.
Je dirais que Le Bal Masqué c’est du Verdi/Mortier traditionnel. Verdi c’est de l’opéra bourgeois, en plus joué des milliards de fois dans le monde entier. Donc indigne de l’intérêt de Gérard Mortier. Par conséquent, on aura une mise en scène neutre et un plateau de chanteurs construit autour d’une seule superstar. Ainsi, le public viendra et Bastille sera rempli de personnes crachotantes et toussotantes qui applaudiraient n’importe quoi, et les amateurs de chant ne pourront pas se plaindre : ils auront eu leur star.
La star de ce bal masqué c’est le ténor argentin Marcelo Alvarez dans le rôle principal, et très difficile, de Riccardo, et c’est un vrai grand ténor verdien. Son chant est magnifique, avec un très beau timbre, solaire et plein de nuances. Il s’investit dans le personnage autant qu’un grand ténor verdien peut le faire, c'est-à-dire que de temps en temps il se déplace un peu sur scène, entre deux grands airs. Et à la fin il meurt en tombant de façon théâtrale au milieu de la scène ( pas trop vite non plus pour ne pas se faire mal), en chantant son dernier grand air avec une technique hallucinante. Chez Verdi, il y a un intérêt à être en pleine forme quand on meurt, parce que ce n’est pas de tout repos.
On a donc un Riccardo extraordinaire, probablement au niveau de ce qui s’est jamais fait de mieux dans le rôle et dans la tradition des grands ténors verdiens.
Le souci, ce sont les autres chanteurs. Voix faiblardes, éteintes, tremblotantes, qui changent de timbre entre chaque note, vibratos surréalistes, c’est assez terrible. Et le pire c’est que le public applaudit avec enthousiasme après chaque air, un peu surpris de voir dans les rangées quelques personnes qui restent les bras croisés en levant les yeux au ciel. Je suis certain que dans un coin, Gérard Mortier assiste à tout cela, un grand sourire goguenard sur le visage.
Une chanteuse se démarque, il ne faut pas être malhonnête non plus, Camilla Rilling qui interprète le page Oscar de façon enthousiaste et vivante. Elle est la seule personne mobile sur scène, elle contourne en sautillant les autres chanteurs posés ça et là, occupés qu’il sont à vibrer sur place (je me demandais s’il était déjà arrivé à un chanteur de s’enfoncer dans le sol ?). Et par chance la partition comporte quelques duos Riccardo/ Oscar qui sont des vrais petits moments de miracle musical dans cette production.
La mise en scène de Gilbert Deflo a transposé l’action dans l’Amérique de 1860, autour de la mort de Lincoln. Les décors et costumes, sobres en noir et blanc sont très beaux, en revanche il n’y a pas de direction d’acteur. C’est presque une version de concert dans un beau décor.
L’autre opéra de Verdi programmé est La Traviata. Et là, curieusement, on sent que Gérard Mortier s’est investi à 100 %. Comme si La Traviata était un opéra à part, du Verdi que l’on peut monter sans avoir honte.
Une mise en scène à la RegieTheater allemande des années 1970, une transposition dans les tours de chant des années 50, Violetta est Edith Piaf, trahie artistiquement et amoureusement par les hommes autour d’elle. Dans une intéressante mise en abîme, une partie de l’action est une représentation d’une salle des fêtes sinistre de petite ville, avec couleurs horribles et ambiance glauque. La seule qui conserve son intégrité artistique est alors Violetta. A sa façon, le metteur en scène Christoph Marthaler ne trahit pas l’esprit de la pièce, qui semble de toutes façons assez solide pour résister à tout mauvais traitement. Par contre, les décors sont d’un bout à l’autre d’une laideur assez effrayante, mais Mortier et Marthaler m’expliqueront que je ne sais pas ce qui est beau etc… que c’est précisément cet éclairage blafard au néon industriel quoi est ce qu’il faut faire. C’est de l’avant-garde d’arrière garde, mais bon. Cela dit, difficile de ne pas rire avec tout la salle quand dans un grand silence descendent les fameux néons sur une scène hideuse et qu’un spectateur lance un grand sifflement admiratif. Tous les costumes sont aussi hideux et dépareillés, pourtant il n’y a que de la haute couture « vintage » sur scène.
Mais la véritable expérimentation est ailleurs : dans les voix, en particulier la Violetta de Christine Schäfer. Physiquement très frêle, avec une voix plus habituée à la musique contemporaine et le lied, il n’y a ici aucune manifestation de puissance d’une grande soprano lyrique, on est très loin de Maria Callas.
Ceux qui diront que Christine Schäfer ne peut pas chanter La Traviata auront sans doute raison, elle ne chante pas la Violetta de la tradition, et je pense que Christine Schäfer aurait tout intérêt à éviter ce rôle à la Scala de Milan (mais je pense qu’elle en est consciente).
Elle chante une autre Violetta, très touchante. Son jeu d’actrice fonctionne et c’est elle qui donne la cohérence au spectacle, son timbre de voix est très beau, et il fonctionne beaucoup mieux dans le troisième acte que dans le premier. Il y a dans son chant une musicalité de tous les instants qui est passionnante et on fait corps avec cette Traviata. Le ténor Jonas Kaufmann dans le rôle d’Alfredo est parfait, plus traditionnel dans son chant, il incarne un bellâtre superficiel avec beaucoup de virtuosité (comment ça il ne joue pas ?), ainsi que José van Dam dans un Germont très musical (quel phrasés !) mais un peu fatigué ( un déraillage de voix et des moments moyennement justes). Il joue un Germont sympathique, impression renforcée par la beauté de sa voix.
Vocalement, c’est une Traviata presque « musique de chambre » tant les trois chanteurs prennent soin d’une écoute mutuelle et d’une cohérence de leur chant l’un par rapport à l’autre, dommage que l’orchestre de l’opéra de Paris soit très plon plon dans son accompagnement.
Quoi qu’il en soit de la mocheté effarante du truc, j’ai passé une très bonne soirée. J’hésite à revenir voir la seconde chanteuse, une petite nouvelle Nataliya Kovalova qui a semble t’il une voix plus conforme au rôle, pour voir comment ça fonctionne avec une Violetta plus « lyrique ». Peut être que je vais attendre la saison prochaine.
Voilà l’été, et à moins de visite dans les festivals, ce qui n’est pas prévu pour l’instant, il devrait y avoir moins d’opéra sur ce blog pour mes non-lecteurs.
Commentaires
Même Di Stefano, Bergonzi, Pavarotti sont laissés sur le bas-côté devant cette hauteur de vue.
En revanche, il devrait se méfier, c'est véritablement à la limite de ses possibilités.
Concernant Sciarrino, je ne suis pas sûr que ce soit une perte incommensurable. C'est tout de même dans l'éternel paradigme de l'indicible au théâtre...
(ROH c'est Covent Garden ? )
Pour l'occasion, la seconde chanteuse, Nataliya Kovalova, faisait sa prise de rôle.
Sa voix est splendide, plus lyrique, plus puissante que celle de Christine Schäfer mais elle n'a pas toute sa science du chant.
Comme Schäfer, elle était moins à l'aise dans le premier acte que dans les deux suivants, et comme Schäfer elle a fait une belle prestation d'actrice, preuve que la mise en scène n'est pas du "sur-mesure" mais supporte tout à fait des incarnations différentes.
J'ai revu cette mise en scène très à la hausse et mes réticences de la première représentation se sont envolées. C'est une vraie mise en scène, respectueuse de l'esprit du texte, avec une direction d'acteurs précise et une idée de ce que sont les personnages.
Pire, j'ai même trouvé ça beau.
Et la final est vraiment réussi, Violetta meurt seule au milieu des restes de la fête, et au lieu d'une agonie flamboyante elle semble disparaître progressivemlent de la scène. Cette vision a été génialement servie par les deux chanteuses, Schäfer et Kovalova.
Je vais donc leur souhaiter de bonnes vacances et espérer quelles reviennent la saison prochaine en maîtrisant encore mieux leur rôle.
Oui, c'est cela, Royal Opera House.
Concernant la mise en scène, j'ai lu ailleurs une remarque très judicieuse sur le statut pas assez sulfureux de la transposition Piaf, qui affaiblit le propos.
Au passage, j'ai du mal à saisir l'intérêt de vouloir à tout prix faire des transposition aussi précises et hors de l'opéra : le public n'a pas nécessairement autant d'empathie pour Monroe que pour une de ses idoles...
En plus, ce mélange avec des personnages trop présents, que nous connaissons en photo, fait qu'on peine à adhérer à l'illusion théâtrale.
Mais concernant Marthaler, je ne puis dire, je n'y étais point.
Mais la mise en scène de Marthaler me semble donner une certaine intemporalité visuelle à ce spectacle, la référence à Edith Piaf n'est pas si littérale que cela (avec une perruque rousse) et ses années 50 sont faites d'un composite de différentes époques.
Pendant le spectacle je n'y ai pas beaucoup pensé et je n'ai pas entendu de conversations sur la transposition Piaf pendant les entractes.
Ce genre de transpositions à des personnages du pantheon du XXème siècle peut affadir la propos et la mise en scène en ratatinant l'imaginaire, c'est aussi une infantilisation du spectateur à qui ont offre des repères grossiers " Aujourd'hui Eurydice ce serait Lady Diana et Jupiter le Général de Gaulle " (rha j'ai des idées, il faut qu'on me confie des mise en scène), mais par lassitude le public n'y prend plus garde. La lourdeur de certains propos est une donéne de base de beaucoup de mise en scènes. Le public y est résigné.
Dans l'affaire Makropoulos, les références à diverses actrices célèbres me paraissait compatible avec l'idée de Janacek et ne m'ont pas paru résuctrices, mais je ne connais pas cette oeuvre dans d'autres mises en scène.
sisi c'est en projet, une seconde
:D
Aux dernières nouvelles, il aurait rencontré la Dame Blanche, du château d'Avenel-sur-Meuse.
A propos, le Debussy du message précédent est diffusé le samedi 22 septembre à 22 h 30 sur Arte.
(pas pour le reste non plus, mais c'est une autre histoire)
Je voulais mettre ça
ou bien ça
Seule divergence : ce n'était pas une superbe soirée mais un monument.
Le monde est trop cruel.
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