Marseille, année 40 - Mary Jayne Gold
Je voudrais m'excuser auprès de mes non-lecteurs, j'ai moi-même beaucoup moins lu ces derniers temps. Juste quelques mots sur un livre pris totalement par hasard sur une pile et qui a été une immense surprise dans le bon sens. J'ai déjà cité quelques extraits de ce livre sur le blog (incontournable) CSS
Le "Marseille, année 40 " de Mary Jayne Gold. Ce n'est pas de la littérature, juste un témoignage parmi d'autres sur une période sur laquelle tout ou presque a déjà été écrit, le début de la seconde guerre mondiale. Mais il s'agit ici d'un témoignage "décalé" comme on dit (je pense que ce mot doit faire partie du Top 10 des mots à la mode. )
Qui est Mary Jayne Gold ? Une américaine, richissime héritière d'une grande famille de la côte Est des Etats Unis. Adolescente et jeune adulte dans les années 30, elle voyage, comme il se doit dans son milieu, dans l'Europe des princes et des artistes des années 30. Elle jouit de son temps libre en pilotant son avion personnel, entre Paris, Rome, Berlin et en rencontrant la "Jet Set" de l'époque. Deux choses me semblent définir Mary Jayne Gold : 1) Elle passe inaperçue tant elle est une caricature vivante. Il est évident que son entourage sous-estime cette ravissante idiote mondaine et superficielle. 2) Elle est dotée d'un don d'observation incroyable, elle semble posséder des rayons laser dans les yeux et pouvoir utiliser cette faculté pour faire des portraits au vitriol de toute personne qu'elle rencontre, mais profondément humaine, elle n'est jamais cynique.
Survient la drôle de guerre. Puis la guerre, la vraie, rapide et incroyable, qui voit la "première armée du monde " se faire balayer en 1 mois par les troupes d'Hitler. Interrompue dans son oisiveté brillante, Mary Jayne Gold se retrouve embarquée sur les routes françaises dans une pagaille délirante, obligée d'abandonner son avion à Paris. Elle croise toute la société française en déroute et après diverses péripéties échoue à Marseille, d'où elle devrait s'embarquer pour les Etats Unis, où sa famille l'attend.
Mais c'est là que la machine se détraque. Piquée au vif, Mary Jayne Gold a développé de ses contacts avec l'intelligentsia une conscience politique plus développée que ce qui était mondainement recommandé. Et surtout, elle croise dès son arrivée une troupe de légionnaires déserteurs qui cherchent à abandonner Vichy pour Londres ou l'Afrique du Nord. Comment quitter cette vie d'aventures pour reprendre la terne vie de milliardaire ?
Elle décide de rester. Elle intègre le réseau d'un américain, Varian Fry, dont le but est de faire partir vers les Etats Unis les artistes, syndicalistes et politiques qui fuient le régime nazi et la complaisante police de Vichy. Ainsi elle rencontrera Marc Chagall, Marcel Duchamp, Max Ernst, Wilfredo Lam, Wanda Landowska, Alma Mahler, Max Ophüls, Hannah Arendt, André Breton, Bruno Strauss, Wilhelm Pfeffer, fera des interrogatoires de ces réfugiés politiques et d'autres, afin de connaître les risques qu'ils encourent, les aidera en partie à quitter le territoire français.
Intéressant fait qui n'est pas mentionné dans le texte mais dans la préface : elle mettra également en place, sur sa seule initiative, des évasions de personne pourchassées par le régime nazi, mais qui ne sont pas membres d'une élite mondialement connue. Elle ne comprend pas pourquoi son aide devrait se limiter à une minorité célèbre et privilégiée.
Evidemment, Mary Jayne Gold ne peut se contenter de ne fréquenter qu'un seul milieu. Elle fraie avec la pègre marseillaise, les petites frappes, ces soldats hésitants entre 3 armées différentes. Elle a une liaison avec un dénommé Raymond Couraud, surnommé "Killer", pas sans raison, et c'est là que le récit prend sa véritable envergure.
C'est très bien écrit, un mélange se Scott Fitzgerald, Oscar Wilde, Casablanca, Pépé le Moko et l'armée des ombres. Et au fur et à mesure qu'elle découvre de nouvelles strates de cette société française en décomposition, Mary Jayne Gold suscite la méfiance des milieux qu'elle fréquente. Supecte pour André Breton, qui la méprise ouvertement, de la police de Vichy (clairvoyante, comme toujours) qui la fiche comme prostituée, des autorités américaines qui la pensent communiste, de la pègre marseillaise qui la vole tout en étant fascinée par sa personnalité, elle est au final un personange marginal, une personne libre qui contemple ce qui l'entoure avec humour et recul, mais sans jamais se résigner et en étant toujours active pour agir dans le sens qui lui paraît le bon.
Un livre étonnant et très bien écrit, l'histoire d'une aventurière à laquelle il est difficile de mettre une étiquette, et qui visiblement a dérangé à son époque.
Vaut réellement la peine d'être lu.
Commentaires
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