Rome - Silent... leges inter arma.



J’avais parlé de la première saison de la série Deadwood produite par la chaîne HBO, j’ai regardé la seconde saison et je confirme que c’est une très très bonne série, meilleure même que ce que j’ai pu en dire.

La chaîne de télévision HBO produit depuis quelques années des séries « de luxe » en laissant un peu plus de marge de manœuvre aux écrivains et réalisateurs que la concurrence. Le résultat est assez bluffant, et la bonne nouvelle est qu’au niveau de l’audience, ça marche !

J’ai regardé la première saison d’autre de ces séries « Rome » coproduite avec la BBC.

De la même façon que Deadwood était le meilleur western depuis longtemps, Rome est le meilleur péplum depuis un bail (je dis ça mais je n’ai toujours pas vu ni Alexandre, ni Troie).

Peut-être que le format série télé est idéal pour aborder ce type de sujet, je me souvenais quand j’étais petit d’une série (déjà BBC) qui passait à la télé « Moi, Claude, Empereur » qui était très bien faite, il faudrait que j’essaie de la revoir si c’est possible (la note et les avis sur Imdb ici sont très hauts alors que c’est vieux de 30 ans, mes souvenirs de série géniale doivent être exacts après tout).

La trame de « Rome » va de la Guerre des Gaules jusqu’à l’assassinat de César, pour la saison 1. La saison 2 en cours de diffusion aux Etats-Unis reprend exactement à la fin et traite – je ne l’ai pas vu- de la succession de César et des amabilités entre Marc-Antoine et Octave, le futur Auguste.



Le point de vue de la série est de montrer en parallèle la « grande histoire » de la chute de la République et des affrontements entre César, Pompée, Marc Antoine, Caton, Brutus, Scipion, Ciceron avec l’ « histoire de la vie quotidienne ». Celle-ci est amenée par les aventures de deux légionnaires romains, le centurion Lucius Vorenus et le soldat Titus Pullo. D’ailleurs ces deux personnages ne sont pas à 100 % de la fiction (à 99, 99999 % seulement) Jules César mentionne ces noms dans sa Guerre des Gaules : « Il y avait dans cette légion deux centurions d’une grande bravoure, qui approchaient des premiers grades, Titus Pullo et Lucius Vorenus. C’était entre eux une perpétuelle rivalité à qui passerait avant l’autre, et chaque année la question de l’avancement les mettait en violent conflit. Pullo, au moment où l’on se battait avec le plus d’acharnement au rempart, s’écria : « Pourquoi hésiter, Vorenus ? quelle autre occasion attends-tu de prouver ta valeur ? c’est ce jour qui décidera entre nous. »

Les grades ont été changés, et la série imagine la suite des aventures de nos deux pieds-nickelés. Ils rentrent à Rome dans une ville qu’ils ne connaissent plus après toutes ces années passées à crapahuter dans la campagne à taper sur des barbares. La série nous fait donc découvrir le Rome des bas quartiers, métropole cosmopolite dans laquelle se mélangent peuples, langues, cultures venues de tout « le monde connu » en hommes libres ou esclaves. Une Rome en pleine mutation politique et sociale car le retour de Jules César est mouvementé. Quelle sera la place des deux légionnaires dans cette grande mosaïque ?

Vu la qualité de ce qui est montré, une armée de conseillers historiques a dû être dépêchée à l’écriture du scénario et sur le tournage.



Au niveau visuel d’abord, c’est un péplum ou les acteurs n’ont pas l’air d’avoir trouvé une jupette dans une boutique de farces et attrapes et de s’être ensuite emberlificoté dans leur rideau de douche. Ils sont crédibles dans leurs accoutrements. Un article Wikipedia bien fait dresse une liste des incohérences et anachronismes ici mais ce qui m’a frappé c’est au contraire la qualité et le sérieux d’ensemble en comparaison de beaucoup de péplums vus jusqu’ici.

Au niveau des détails, j’ai été étonné par une sous intrigue sur l’enterrement de Vercingétorix dont je me demande si elle est inventée ou non, elle a une certaine logique. C’est cette accumulation de détails qui rend la série crédible, on y voit également, entre autres, une cérémonie au dieu Mithra, une procédure administrative d’affranchissement d’esclave, un combat de gladiateurs, figure obligée qui au lieu d’être traitée à la manière grand spectacle héroïque est ici un des trucs les plus glauques jamais filmés.

Au niveau historique, la série a le mérite de ne pas prendre le spectateur pour un imbécile. J’ai d’ailleurs trouvé qu’il fallait un peu s’accrocher, j’ai regardé les premiers épisodes « à froid » et j’ai pas mal du me creuser la tête pour me souvenir de l’identité de chaque personnage qui fait irruption sans présentation détaillée. Les enjeux politiques du retour de César font partie de l’intrigue mais ne sont pas clairement explicités, on est censés savoir ce qui se passe, la série se borne à le commenter.

Le parti pris est assez pro-César, sans doute en grande partie parce que tout cela est perçu par nos deux légionnaires Titus Poulo et Lucius Vorenus depuis leur point d’observation plébéien. Beaucoup d’images d’Epinal sont évitées, à l’exception peut-être de Cléopâtre, mais peut être que le personnage sera mieux développé en seconde saison, ici son apparition est courte. En revanche, l’assassinat de César est d’anthologie : on évite les clichés que l’on pouvait craindre sur l’évènement, mais je ne vais pas raconter la fin non plus (désolé d’ailleurs d’avoir spoilé la mort de César pour ceux qui l’ignoraient…)

Les défauts viennent aussi du format. C’est une série télé, donc les relations entre les personnages sont « sitcomisés », ce qui fonctionne vu la brochette d’individus gratinés qui ont mené la République à la fin. Il faut donc se garder de prendre à la lettre les personnalités des personnages, cela reste une série. D’autant plus que HBO, comme d’habitude, est heureuse de filmer crûment des intrigues un peu interlopes. Si le Rome du pouvoir et du peuple est bien montré, je trouve d’ailleurs qu’il manque une représentation plus importante du Rome des penseurs et des artistes. C’est grâce à eux que l’on sait tout ça finalement, et ils ne sont pas remerciés de leurs services ici.

Autre souci, la chronologie. Ce qui se passe sur 12 heures a duré en réalité une dizaine d’années, et on le perçoit mal (de -52 à -44 me dit on).



C’est bien filmé, un peu trop en gros plan pour faire « télé », quand le budget de la série est « le plus grand de l’histoire de la télévision pour une saison » les grands décors ne sont pas mis en valeur. C’est en cela que « Rome » reste un péplum classique, car je suis sûr qu’un péplum n’est pas « le gros machin qui à coûté le plus cher de tous les temps de l’histoire du cinéma » n’est pas un vrai péplum. Pour assurer la qualité filmique du bébé, des grands noms hollywoodiens comme John Milius et Michael Apted ont été dépêchés sur les lieux. Ce qui est particulier c’est que le budget n’a pas servi à faire de l’esbroufe mais bien à servir le scénario.

Le résultat est très impressionnant et Rome vaut la peine d’être vue (c’est très débile comme phrase ça. Je la garde tiens :p)

Et voilà, je me retrouve bêtement dans l’attente de la seconde (et dernière, snirf) saison. Je suis quand même étonné par la qualité des séries télé américaines dans l’ensemble ces dernières années par rapport aux blockbusters hollywoodiens. J’ai essayé de résister mais il faut se rendre à l’évidence : l’expérimentation, l’originalité, la qualité d’écriture sont plus souvent à la télé qu’au cinéma. Drôle de tendance.

Commentaires

Chevalier Bayard a dit…
Pense à nous emprunter Carnivale la prochaine fois que tu passes à la maison (puis, si tu pouvais amener Rome ;)...).
Anonyme a dit…
A propos, tu attribues généreusement dans ton article le point de vue - favorable à César - à la vue des événements par deux militaires romains, mais les films américains, par réflexe idéologiques, sont toujours favorables à l'Empire Romain. Qui incarne l'unité réalisée autour de plusieurs diversités, la mission civilisatrice sur le monde, une forme de clairvoyance politique supérieure.

Je me souviens d'une lourde surprise, quand, m'étant fait promettre de visionner un Tristan & Isolde, je me suis trouvé devant un film hollywoodien récent dont je n'avais jamais entendu la moindre mention. Et une scène fort cocasse s'y trouvait, où les Irlandais projetaient de s'unir, sur le modèle de l'Empire Romain (oui, il ne faut pas chercher).
L'union est une valeur en soi - alors que dans le morcellement européen, l'identité propre est aussi une valeur qui nous paraît au moins aussi essentielle. En cela, je trouve tous ces films stéréotypés passionnants : ils disent beaucoup sur ce qui traverse nos cultures respectives, ce qui conditionne nos positionnement. Des non dits qui nous paraissent l'évidence - et qui ne le sont pas.


Ca fait très longtemps que je veux décortiquer ces mécaniques sous l'angle du spectateur d'opéra pour CSS, il y aurait beaucoup à dire.
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