Le film le plus glauque de tous les temps



La programmation des chaînes cablées ciné cinéma pour cette semaine de Noël contient quelques surprises. La plus étonnante est la diffusion sur Ciné cinéma classic de "L'étrangleur de la place Rillington" (1971) de Richard Fleischer. Diffusé le 25 décembre, j'avais vu quelques images qui m'avaient fait sentir que c'était du lourd. Mais je n'avais pas pu le voir pour d'ineptes raisons familiales. Est-ce que de pauvres enfants sont tombés dessus par hasard ? Ils ont dû sursauter à la vision de ce charmant conte de Noël :D

Heureusement, il vient d'être rediffusé et j'ai pu le voir d'un bout à l'autre. Première énormité, il s'agit d'un film de Richard Fleischer, le plus hollywoodien de tous les réalisateurs. Ce type a été capable de tout réaliser, du péplum à la science fiction, de la comédie romantique au western, sa production va du pire (le délirant et psychédélique "Fantastic Voyage" au meilleur "The Vikings", film épique dans lequel il arrive à nous faire croire que Kirk Douglas et Tony Curtis sont frères, c'est dire le talent du bonhomme !)

Mais que s'est-il passé en 1971 ? Comment un tel réalisateur, d'habitude kitsh et flamboyant a t'il été amené à réaliser ce chef d'oeuvre d'austérité tout en déclinaison de grisâtres et de maronnasses, filmé sur les lieux même de l'histoire, 10 Rillington Place ?

http://www.imdb.com/title/tt0066730/

Car en effet, ce film est tiré d'une histoire vraie, celle de John Christie, un des plus célèbres tueurs en série britanniques. Christie, escroc raté, vivait misérablement dans ce quartier défavorisé, avec sa femme acariâtre. Se faisant occasionnellemnt passer pour un médecin, il entrainait des femmes chez lui et les tuait. Tout cela se passe dans une relative routine quand emménage dans l'immeuble les Evans, jeune couple paumé, vivant de petits boulots, allant d'échec en échec. Brave type, Timothy Evans est d'une intelligence inférieure à la moyenne, de même que sa femme. Christie parvient à les manipuler, puis tue la femme et la fille Evans, faisant passer Timothy Evans pour le meutrier. Après un procès sommaire, Evans est pendu. Il a accumulé maladresses pendant l'enquête et le procès alors que Christie est parvenu à se faire plaindre. Quelques années plus tard, Christie est en pleine déconfiture et en voie de clochardisation, ce qui va amener à la découverte chez lui d'une montagne de cadavres. Il sera pendu et Evans réhabilité (un peu tard).



Sur le sujet, je suis de moins en moins fan des histoires de tueurs en série. J'ai l'impression que depuis Psychose dans les années 60, renforcé au début des années 90 par le succès du Silence des Agneaux, s'est développée une image quasi mythologique du tueur en série, personnage très cultivé, raffiné et d'une intelligence supérieure à la moyenne, qui n'a pas d'autres buts dans la vie que de semer des indices à l'attention de la police, évidemment très stupide, qui ne le trouvera jamais, lui même étant bien trop machiavélique. J'ai donc tendance à refermer le moindre bouquin dès qu'apparaît le mot " tueur en série" et à changer de chaîne quand une série télé tourne de près ou de loin autour du sujet (la dernière en date, Dexter, j'ai tenu le pilote, je crois que je m'arréterai là). Tout un sous-genre est né, insupportable, il faudrait un tueur en série des écrivains miteux qui écrivent sur les tueurs en série, bienfaiteur potentiel de l'humanité (il aurait trop de boulot, il en faudrait plusieurs, et des efficaces).

Il y a des contre exemples, j'adore les livres de James Ellroy mais c'est un faux contre exemple étant donné la description en général assez pitoyable qui est faite du tueur, et James Ellroy est un génie de la littérature, un vrai de vrai.

Autre contre exemple, ce "10 Rillington Place". Film d'horreur absolue sans effets spéciaux, sans gore, sans twist idiot. Tout tient dans la façon de filmer de Fleisher et dans la performance des acteurs, Richard Attenborough et John Hurt. Une vraie leçon de cinéma, qui créé un effet tellement repoussant qu'on a de temps en temps envie de changer de chaîne, tant ce qui se passe à l'écran est atroce. Aucune flamboyance chez John Christie, il est médiocre, manipule de façon médiocre, tue de façon médiocre, dissimile ses crimes de façon médiocre. Il n'est ni rapide, ni habile. Il parle mal. Seul l'aveuglement de la justice, bureaucratique, désireuse de convenances et se désintéressant totalement des personnes en présence lui permet de passer pour une victime et de continuer son petit passe temps. Au contraire Timothy Evans est sincère, emporté et sort sans cesse des rails pendant le procès, ce qui en soi le condamne.

La caméra ne sort presque jamais en extérieur, Fleischer filme des espaces clos, opressants. Les personnages entrent et sortent de l'ombre, fantômes de leurs existences médiocres. La palette sépia donne une allure quasi documentaire à l'ensemble, les crimes de Christie sont détaillés. On le voit bricoler sa petite affaire, avec bouts de scotch et bouts de ficelles. Durant tout le film, la manie quasi obsessionelle des détails met terriblement mal à l'aise, ce film est irrespirable et le plus virtuose est d'avoir parvenu à créer une telle tension alors que le spectateur connaît la fin de l'histoire. Autre écueil évité : aucune explication psychologique vaseuse ou scolaire n'est fournie à aucun moment. Le secret de la perversité de John Christie, tueur minable, restera un mystère.

Voilà, chers non-lecteurs, le deuxième message de ce blog est terminé. Des avis ?

Commentaires

Chevalier Bayard a dit…
Il faudra que je te passe La 7ie Femme. Sans en dévoiler trop, dedans ils expliquent justement que le tueur en série a besoin de reconnaissance et, inconsciemment veut se faire prendre, d'où la présence d'indices laissés par le tueur. Sinon je suis bien content de voir la fiche également dans The Movie Theater ce qui me coupe l'herbe sus les pieds ;)
Fanch a dit…
aaaah un lecteur ! quel joie :) mais ça fout en l'air mon concept de blog ça. Bon tant pis je vais faire avec :)

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