Chemical Oz


Il est plus que temps que je ranime ce blog moribond de mon seul fait, mes fidèles lecteurs continuant à l'animer sans hésitation, et j'en suis très touché.

J'étais un peu resté sur deux blocages que je n'arrive pas à résoudre : mon message sur Moll Flanders indigent par rapport à la qualité du livre en question, et la question de savoir si oui ou non j'aimais la musique électronique.

Pour Moll Flanders, il suffira que j'ai le courage de muscler un peu mon message, pour la musique électronique c'est moins facile (heuuu, disons que je crois que c'est moins facile).

Grâce à Chevalier Bayard et Liewen, j'avais assisté au concert des Chemical Brothers au Zenith en Juin. Et il y a un phénoméne curieux (oui, presque paranormal vous allez voir) j'avais beaucoup aimé ce concert, mais en tentant d'écouter de nouveau la musiques des Chemical Bros en disque ou sur myspace, j'ai eu un blocage. Il ne se passait rien. L'impression d'entendre une petite intro sympa, gentille, mais me demandant quand est-ce que le morceau proprement dit commencerait. Et il ne commence jamais, ça s'arrète au début de l'introduction.

Pourtant j'avais été enthousaismé en concert, beaucoup plus qu'au concert bon chic bon genre mais doucement ennuyeux de Air. Je n'arrive pas à dire pourquoi. Peut-être quelques bribes d'explications.

En principe, la musique électronique "techno" est de la musique en boîte. Faite pour un habillage sonore élégant et dans l'air du temps. Donc, en concert cela devrait être la catastrophe. Et non, au contraire, c'est génial, alors qu'en disque c'est la catastrophe (pour moi) d'ennui, sans être désagréable.

J'ai trouvé trois explications possibles.

La première est que la contrainte du concert oblige les groupes de techno à se transcender. Impossible de faire un morceau de 5 minutes répétitif sur une petite rengaine, surtout que l'electro ne connait ni la voix ni l'héroïsme instrumental qui permettent de tout faire passer. Si un groupe refait sur scène ce qu'il fait au disque, il se condamne au ridicule sur scène. Un truc enfantin et sans envergure d'un concert qui durerait une petite heure. Donc la durée des morceaux quadruple, et donc il est nécessaire de trouver de nouveaux développements; et c'est dans ces développements infinis que naît un réel chaos sonore qui devient fascinant, avec un jeu incroyable sur les timbres, sur la répétion avec des ajouts à chaque fois différents, qui obligent le groupe de techno à faire preuve de folie musicale sur scène. Paradoxalement, la musique qui a le moins de potentiel de concert deviendrait alors la musique la plus incroyable en concert.

Le deuxième explication serait purement physiologique. Les Chemicals Bros c'est une forme de transe, musique qui fonctionne sur la répétition infinie d'un motif musical simple, sans silence. Cela provoque une réaction physique connue depuis des millénaires, qui est l'entrée dans un état second. On adhère au truc sans recul comme on entre dans la musique, en transes qu'on est.

La troisième explication serait le syndrôme du magicien d'Oz. On est terrassé par d'imposantes machineries, des effets spéciaux géants et un matériel surpuissant qui hypnotisent. On perd tout sens critique et tout recul, fasciné qu'on est par la puissance sonore qui se dégage de la scène et l'incroyable spectre sonore produit par les instruments électroniques; d'où une surprise quand, de retour chez soi, on voit le roi nu, sans ses artifices. Une impression de décalage, le pouvoir du magicien d'Oz n'existe pas, il n'est qu'une illusion auquel on adhère par ignorance de la vérité.

Tout cela pour dire qu'un concert des Chemical Brothers est une expérience assez étonnante, qui fonctionne sans que je puisse dire pourquoi. Peut-être un mélange des explications avancées.

Commentaires

Fanch a dit…
En regardant le DVD de Underworld - un concert de 2000 - je crois que la bonne explication est la première. La musique électronique se transcende en concert, en variant les timbres, les textures, en étant contrainte à organiser un discours sans ennuyer, et il y a une part d'improvisation qui fait partie du truc.
Fanch a dit…
En plus, ces Underworld ajoutent de la voix à leur musique. Vu mes goûts actuels, ça la rend encore BEAUCOUP plus intéressante.

Et ça les force à prendre des risques.
Chevalier Bayard a dit…
Heu les Chemicals aussi utilisent la voix...

Enfin je te l'avais dit en concert les Chemicals sont mieux, 10000 fois mieux qu'en album. Même si j'adore leurs albums aussi, mais souvent car grâce aux albums je me rappelle les concerts d'ailleurs ;)

Je suis content que le concert d'Underworld t'ai plu également.

Mais si vraiment la voix joue beaucoup. Il faut que tu vois Faithless en concert... le pb c'est que je les loupe à chaque fois qu'il passe. Mais ça devriat te plaire. Et ils sont eux aussi BEAUCOUP mieux en live ;)

Je t'ai passé mon double album de Chris Fortier ? C'est marrant tu as du mal à identifier ce qui me plaît en classique et j'ai le même problème avec toi en techno. Là a te lire j'ai l'impression que c'est plus trance alors que je t'avais passé des titres plutôt "soft" au début. Faudra refaire un tour dans ma cdthèque ;)

Tu as jeté une oreille sur Beatport (http://www.beatport.com) ?
Chevalier Bayard a dit…
Et la prochaine fois je me relis avant de poster ... (on y croit tous :P)
Fanch a dit…
Là, tu me permets un début de diagnostic :) c'est ton association "soft-classique" qui est à côté de la plaque.

Je pense que c'est un problème d'habitude d'écoute, tu écoutes de la musique qui joue quasi-exclusivement sur les timbres, les sonorités, les textures et presque pas sur l'harmonie et l'enchevêtrement mélodique ni même le rythme.

Le classique peut paraître assez monotone de ce point de vue là, il faut se faire l'oreille aux "couleurs" des orchestres et instruments, assez uniformes. Mais quand on s'habitue, il y a beaucoup de choses qui ne sont pas soft du tout.

Au contraire, je pense que ce que tu appelles soft doit être l'horreur absolue pour moi, des morceaux de 10 minutes qui égrènent tristement le même accord parfait sur une pulsation constante, ce que le plus mauvais petit maître italien du XVIIème siècle n'aurait déjà plus osé faire.

Je n'ai pas vraiment de mal à voir ce que tu aimerais - mais j'essayais de te faire décoller du sempiternel Mozart, qui est en effet assez soft dans l'ensemble, quels que soient les critères pris en compte.
Chevalier Bayard a dit…
Oui, enfin à l'époque je ne te savais pas fan hardcore de Wagner aussi ;P
Fanch a dit…
Oh, j'écoute de tout, Wagner pas tant que ça, j'en ai toujours écouté un peu avec un peu plus d'intensité en ce moment. C'est une musique qui rend accro - les histoires un peu moins -, mais c'est un bon exemple de ce que je veux dire : des accords atypiques, des changements de tonalité très nombreux et subtils, un orchestre dans lequel il se passe toujours quelque chose de nouveau et la plupart du temps plusieurs choses à la fois, et des mélodies avec une ampleur hallucinante.

Tu n'as ça ni dans Mozart, ni dans la techno soft. Je devrai explorer un peu la techno hard.
Fanch a dit…
Je relis les messages de ce fil et il m'amuse ce bistrot du commerce trop prétentieux par ma faute.

Mais il est assez difficile d'entrer dans la musique électronique, ça fonctionne sur des critères très particuliers, c'est très répétitif et ça peut être hypra ennuyeux quand on n'entre pas dedans. Avec un côté bricolage séduisant ou énervant, selon les jours.

Bon, sur ce, je retourne à Parsifal...

Intéressant quand même

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