Ernst Weiss Le témoin oculaire


Autre lecture de janvier : le roman d'Ernst Weiss "Le témoin oculaire" (Der Augenzeuge pour les vrais gens qui parlent allemand). Weiss était un écrivain connu dans l'entre deux guerres, ami de Franz Kafka et lié au mouvement littéraire avant gardiste de cette époque avec des relations comme Alfred Döblin, Stefan Zweig et Arthur Schnitzler. Il a écrit plusieurs livres qui ont connu un grand succès d'estime critique avant son suicide en 1940 dans un Paris envahi par l'armée allemande.

Ernst Weiss avait fait des études de médecine et avait été particulièrement intéressé par la "psychopathologie", discipline pas encore si développée. C'est dans ce contexte qu'il avait rencontré le docteur Edmund Forster, pionnier de la psychanalyse de guerre, et avec qui il avait parlé d'un cas très particulier, celui d'Adolf Hitler. Le docteur Forster avait soigné Hitler en 1918, quand celui-ci avait été atteint d'une cécité psychologique après la défaite de l'Allemagne. Forster aurait montré des éléments du dossier à Ernst Weiss, et après que Forster se soit suicidé en 1933 à son domicile en Allemagne (édition) (on pense aujour d'hui que le suicide a été un peu aidé (édition) ), Weiss s'est senti le devoir d'écrire ce livre.

Mais il dépasse le cadre de l'histoire du caporal AH. C'est celle du médecin, le narrateur, de ses motivations, de ses angoisses. Le climat est d'une noirceur et d'un pessimisme terribles, quoique tempéré d'une certaine forme d'optimisme à la fin que je ne raconterai pas :p

Les personnages de Weiss sont complexes, bourreaux, victimes consentantes, psychologiquement torturés, ils sont les témoins de la dégradation politique de la République de Weimar et de la chute dans le nazisme. La description de l'ambiance de l'époque et des meetings politiques au début des années 30 est très impressionnante.

Un livre que je suis très satisfait d'avoir lu, qui peut se lire à plusieurs degrés mais pas spécialement joyeux.

Commentaires

Anonyme a dit…
La Gestapo à Paris en 33 ? Elle y avait vraiment des moyens d'action ?
Fanch a dit…
oui, cela me parraissait curieux également, j'ai tenté une vérification. Ma source était trop résumée. Forster a fait un voyage à Paris en 1933 pour donner des informations sur son traitement de Hitler. C'est à son retour en Allemagne qu'il s'est suicidé, le 11 septembre 1933 avec un pistolet.
Fanch a dit…
et puis ici c'est mon blog, j'ai le droit d'écrire tous les trucs faux que je veux :p
Anonyme a dit…
C'est juste que la Gestapo, n'étant alors que la police du parti, venait à peine d'être créée. Il me semblait étonnant d'une part qu'elle ait déjà des antennes à Paris, d'autre part qu'à cette date, les services d'espionnage soient si avancés. :)

Merci pour la précision.
Fanch a dit…
c'est difficile de recouper des informations fiables sur internet, dans le cas d'Hitler c'est pire que tout.

Cela dit, j'avais recopié mon erreur dans le bouquin de François Delpla sur Hitler qui a une réputation de sérieux. Sa phrase était très alambiquée.

Forster s'est bien suicidé à son domicile en septembre 1933, suicide qui est considéré comme suspect.

Il n'est peut-être pas impossible que la Gestapo soit intervenue, d'après Wikipedia en anglais, le service a été créé fin avril 1933 sur une base pré-existante de la police secrète prussienne.


Les archives de l'hôpital militaire ont également brûlé, mais j'ai des indications contradictoires sur l'année.
Fanch a dit…
il faudra peut-être que je remanie le message sur ce bouquin, il le mérite.

Le Témoin oculaire n'a d'ailleurs aucune prétention documentaire, il ne s'agit pas d'une biographie du docteur Forster mais d'une fiction et l'épisode du caporal AH n'est pas l'essentiel du livre.

D'après la préface, Weiss a sorti des phrases de Mein Kampf pour les faire prononcer par AH pendant son traitement de 1918, il s'agit d'un anachronisme bien pensé. AH prononce des paroles qui seront bien reprises par Adolf Hitler des années plus tard, les divagations d'un fou.

Articles les plus consultés