Die Feen de Wagner au Châtelet



Le théâtre du Chatelet a proposé en mars la création française du premier opéra de Richard Wagner, Les Fées. Oeuvre fascinante : Richard Wagner est quasi-autodidacte, et il montre dès sa vingtaine qu'il a assimilé le langage musical de son temps et se trouve déjà capable d'être personnel.

Evidemment, en 1833, ce jeune créateur qui tatonne est loin de celui qui sera quelques décénnies plus tard le Richard Wagner qui écrira Tristan et le Ring, mais il est déjà un compositeur accompli.

Critiques : démission !

Je veux juste faire une petite parenthèse que l'accueil que la critique, dans son ensemble, a donné à ce spectacle exceptionnel : lamentable. Les Fées soufre de préjugés. D'ailleurs, Radio France n'a pas daigné se déplacer alors que c'était de toute évidence un des évènement de la saison, préférant nous abreuver généreusement des retransmissions des spectacles routiniers du Metropolitan de New York.

Dans ces cas là, on pourrait se dire que les critiques, curieux, vont se rendre à ce spectacle et en rendre compte de façon intéressante. Non ! Eux, ils ricanent. Je prendrai un exemple qui vaut son pesant de cacahuètes : l'espèce d'éditorial de la page 32 de Classica de mai. On a droit à la totale ! L'auteur, un sous-plumitif nommé Nicolas d'Estienne d'Orves, explique que c'était tellement nul, que lui, esthète exigeant, n'a pas pu tenir plus de la moitié su spectacle, qu'il n'a donc pas vu. Et comme il semblait découvrir l'oeuvre, on comprend qu'il fait un article sur un opéra qu'il ne connaît pas. Ensuite il critique le livret que Wagner a choisi " il abordera bientôt des thèmes moins alambiqués que cet imbitable imbroglio mythologique". Là, je me demande si je rève. En réalité, ce brave garçon a du aussi quitter la Ring, Tristan et Parsifal à la moitié, sinon je ne m'explique pas sa phrase, parce que ces opéras tardifs de Wagner, en matière d'imbitable imbroglio mythologique, ils se posent là... Ensuite, il parle de la néfaste influence de Meyerbeer sur l'écriture de cet opéra. Il néglige juste le détail que cette influence ne s'entend pas, et pour cause, en 1833 Meyerbeer était connu comme compositeur d'opéras italiens, il n'écrivait du grand opéra français que depuis deux ans et Wagner ne l'avait pas encore rencontré, ni peut-être même entendu le style Meyerbeer. Il faudrait peut-être nuancer, lire ce que j'écris ensuite sur la lecture de Robert le Diable par Wagner à ce moment, mais quand même, il y a bien peu de Meyerbeer dans ces Fées... En gros, ce pseudo-critique montre qu'il ne connaît pas non plus l'oeuvre de Meyerbeer. Il compare un opéra qu'il n'a pas entendu a ceux d'un compositeur qu'il ne connaît pas, et pouf ! il en tire des conclusions définitives... Bon, je laisse tomber la suite de l'article, insultant sur la mise en scène, le chef, et les chanteurs, écrit avec ses bonnes blagues "mal aux fées", "fées molles". Ahaha ! En plus d'afficher avec fierté son inculture et son absence de déontologie, il se lance dans l'humour haut de gamme.

Voilà le niveau de la presse musicale en France...

Cette parenthèse fermée, ce spectacle pouvait avoir des défauts, il était exceptionnel à plein d'égards.



Wagner de la génération de 1820.

Quelles sont les véritables influences de Wagner dans cette partition ? Car il ne s'agit pas de Wagner à proprement parler, l'évolution du personnage n'a pas encore eu lieu. Il écrit comme un vrai romantique de cette génération de 1820, son univers musical baigne dans la musique de Ludwig von Beethoven, Felix Mendelssohn, mais surtout, pour la musique lyrique : Franz Schubert, Carl Maria von Weber et Heinrisch Marschner.

Wagner était aussi chef en formation quand il compose cet opéra, et il semble qu'il dirigeait beaucoup les symphonies de Beethoven, mais aussi des extraits de Rober le Diable de Meyerbeer. C'est assez fascinant de la voir agréger tous ses éléments, et écrire un véritable opéra romantique allemand, et qu'il a été romantique "flamboyant" avant d'être romantique tardif. Il paraît aussi qu'on sent dans cet opéra quelques traces de l'opéra italien : Rossini, Spontini... Je ne l'ai pas entendu, personnellement. Mais j'étais aussi dans une phase de découverte de cet opéra. En revanche, la volonté de se situer dans la lignée de Mozart est évidente.

Il est intéressant de voir se développer sa musique : il écrit d'emblée de façon théâtrale, pas dans la grande forme avec répétition, mais comme un discours orchestral qui se développe, avec beaucoup d'effets pour souligner l'action, une fluidité de l'écriture avec des jolies modulations, et déjà, des Leitmotiv. Euh non, des thèmes. Enfin, un ou deux, des petites citations qui apparaissent dans la partition mais qui ne reçoivent pas un traitement si sophistiqué qu'un véritable Leitmotiv wagnérien.



Il y a tout un puzzle de la génération de l'opéra romantique qui se met en place actuellement grace à des interprètes courageux et curieux. C'est une belle pièce qui a été ajoutée ici par Marc Minkowski.

Un livret wagnerien

Ce qui est intéressant, c'est de voir à quel point, d'emblée, Wagner se saisit du livret. Tout est construit autour de ce texte, inspiré de Carlo Gozzi (celui de Turandot) lui-même inspiré d'une légende indienne d'une femme serpent. C'est presque drôle, il y a d'emblée les tics de Wagner : les grands monologues explicatifs, l'action qui se passe en grande partie hors-scène et Wagner l'intuitif. Celui qui portera de façon instinctive sur scène le bouddhisme, le marxisme, la proto-psychanalyse, dans la grande salade brouillonne de ses opéras de maturité, a ici aussi une intuition sur la conclusion. Plutôt que de rendre ses personnages tous mortels, il les rend tous divins : en faisant cela, il corrige le travail de Carlo Gozzi et revient, consciemment ou pas ?, à la version originale de l'histoire.

Il choisit un univers romantique allemand, pas un sujet historique, ni un sujet contemporain ou humoristique. Il place ce texte avec ses merveilles, ses monstres et ses mystères au centre de son écriture et la musique suit le texte. Dès son premier opéra, c'est un véritable opéra de Wagner avec ses thèmes érotiques et mystiques.



Une mise en scène dans un ailleurs

Quel a été le choix pour cette création ? C'est délicat de savoir que faire, j'imagine. La direction du Châtelet a confié cette tache à Emilio Sagi.

Le choix a été un univers onirique avec des choix esthétiques kitsch. Et ça fonctionne très bien : ça ne dénature pas le livret, la direction d'acteurs est bonne, on suit l'histoire de façon fluide (sauf peut-être au troisième acte, moins réussi) et c'est élégant. Car on a lu en entendu plein d'inepties sur ce spectacle, que c'était le Lido, de mauvais goût, etc... C'est faux. L'esthétique est assez drôle, avec un côté gay-friendly, mais les costumes de Jesus Ruiz sont très élégants, il y a même des moments plutôt sobres.

Une choix bien vu pour une recréation et qui évite une transposition difficile avec une oeuvre peu connue.

Un beau plateau vocal

Belle prestation des chanteurs : le choix avait été fait de la jeunesse avec dans les deu rôles principaux des espoirs du chant wagnérien. Choix difficile car l'écriture vocale est très difficile, elle m'a fait penser à celle de Fidelio mais c'est pire que cela, cela fait penser à du Wagner... Autant dire, c'est quasi-inchantable. William Joyner s'en sort très bien, de même que Christiane Libor à la voix très impresionnante, même si ce n'est pas mon rève personnel.

L'exploit, c'est que toute la distribution est de haut niveau et impliquée : Lina Tetruashvili, Laurent Naouri, Salome Haller, Eduarda Melo, Laurent Alvaro, Judith aguthier, Nicolas Testé. Je ne détaille pas, mais c'était vraiment impeccable.



Wagner sur instruments anciens.

Et pour finir, cerise sur le gâteau, mais aussi l'élément qui faisait fonctionner tout ce spectacle : Marc Minkowski et ses musiciens du Louvre-Grenoble. Travail énorme réalisé de collecte d'instruments anciens contemporains de l'écriture de cette oeuvre, c'était un véritable orchestre romantique que l'on entendait, pas une machine de guerre sraussienne. Passionnant, rééquilibrage entre la fosse et la scène, belles textures, le tout sous la direction très dramatique de Minko qui animait cette partition semble t'il bien plus difficile qu'il n'y parait et dans lequel cet orchestre s'en sortait vraiment bien.

En conclusion, une découverte extraordinaire en ce qui me concerne, et pour tous ceux curieux de découvrir cette période importante de l'opéra romantique allemand, ainsi qu'un jalon dans la formation de Wagner.

Sans doute décevant pour ceux qui ont fait mine de ne pas comprendre qu'ils allaient entendre Tristan ou le Ring, mais qui n'ont pas su apprécier ce qui leur était proposé, un spectacle passionnant et un opéra extraordinaire et abouti.


Commentaires

DavidLeMarrec a dit…
Pourquoi mon lien ne s'affiche-t-il pas ? :-(
Fanch a dit…
Arf, aucune idée. Il faut peut-être un peu de temps...

Mais c'est d'ici que devraient partir les liens vers la meilleure série de commentaires de cette production :

http://operacritiques.free.fr/css/index.php?q=lesfeesdewagner
DLM a dit…
Je ne sais pas, ça date d'hier. J'ai tenté de suivre le lien avant de commenter, mais rien.
Yannick a dit…
tout à fait d'accord avec toi. Bon le spectacle date de mars, mais le commentaire vient en juillet. C'était magnifique comme spectacle; je ne savais pas que la critique avait été mauvaise; Déjà, à la base, monter les fées, un opéra presque jamais vu, c'est formidable. J'ai un très bon souvenir de la musique, et les décors et costumes superbes, les couleurs magnifiques. J'ai beaucoup aimé....
Fanch a dit…
J'avoue que ce blog est mal tenu, il faut châtier le responsable (mais pas trop fort)

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