Gustav Leonhardt - Cité de la Musique 28/09/08


(Une photo prise lors de ce concert, que j'ai trouvé sur Wikipedia aujourd'hui (c'est à dire le lendemain du concert), j'espère ne froisser aucune susceptibilité en la mettant ici, et bravo à la rapidité de celui qui l' a prise ! On aperçoit un peu du Piou-piou toulousain.)

J'ai bénéficié du désistement d'une amie pour un concert de Gustav Leonhardt à la Cité de la Musique le 28 septembre à 16 h 30.

J'avais une certaine curiosité de voir pour la première fois l'infatigable pionnier de la musique baroque sur instruments d'époque et la légende vivante du clavecin. Je remercie l'amie en question, il semble que pour avoir une place à ce concert dans le petit Amphi souterrain de la Cité de la musique, il fallait être sur les starting blocs et ne pas rater son départ.

Il est agréable ce petit amphi, je le connais un peu, c'est là que se donnent les concerts de luth et de tous bidules baroques à corde pincées en général.

Au programme :

Girolamo Frescobaldi
Toccata 11
Canzona 3
Cappricio sopra la Bassa Fiamenga
Ricercar 9
Toccata 7
Capriccio sopra La Sol Fa Mi Ré Ut
Johann Jakob Froberger
Lamento sur la mort de Ferdinand IV
Toccata 3
Suite en la mineur
Louis Couperin
Suite en ré majeur
Johann Christophe Bach
Prealudium en do majeur
Jean Henry d'Anglebert
Prélude non mesuré en ré mineur

Le programme est constitué autour de la non-mesure du temps en musique, dans le cadre d'un petit cycle à la Cité (Jeudi je vais voir un concert de l'Ensemble Intercontemporain sur le même thème).

Ayant sa vision personnelle du sujet, Gustav Leonhardt fait irruption sur scène à 16 heures 30 minutes 0'00 secondes (heure de Paris, UTC/GMT + 2 h ) et se dirige à grandes enjambées vers une copie d'un clavecin Carlo Grimaldi de 1703.

Il joue donc le Frescobaldi sur l'instrument qui paraît particulièrement instable, et plutôt désaccordé dès le début avec une nette tendance à aggravation du problème. J'imagine que ces pièces du musée de la Cité de la Musique conservées pieusement sont rarement jouées, et ce modèle de 1994 ne doit pas être un habitué du concert ni à la chaleur élevée de l'Amphi. Voire a peut-être eu droit à un changement général de ses cordes à la nouvelle des velléités de Gustav de se pencher sur son cas.

La musique est particulièrement austère, avec des polyphonies et du contrepoint très complexe, dans lequel s'intègrent beaucoup de notes étrangères aux harmonies de base (complexité harmonique bien renforcée par les soucis de justesse du piou-piou élu), ces pièces ont sans doute été choisies pour les indications madrigalesques de Frescobaldi : ces pièces doivent être jouées suivant le sens et l'expression des mots. Il s'agit d'imiter la voix humaines. La sonorité très délicate de ce clavecin était sans doute bien indiquée, mais Gustav Leonhardt est quand même particulièrement raide, je me demande s'il restitue bien l'esprit lyrique et ouvragé de ces pièces.

Il passe ensuite à grandes enjambées vers l'autre clavecin, une réplique d'un Vincent Tibaut de Toulouse à deux claviers (1691), beaucoup moins beau visuellement que le Grimaldi marqueté et peint. Rapide changement d'instrument qui permet aux malchanceux entrés dans la salle après 16 h 30 min O'00 secs de trouver enfin une place.

Le second piou-piou paraît bien plus vaillant, et Gustav Leonhardt va en profiter pour enchainer sans un instant de pause Froberger, Couperin, JC Bach et d'Anglebert. Son jeu est d'une très grande élégance, mais il me semble qu'il ignore tout esprit de danse présent dans les suites jouées. Il joue peu sur l'idée de non-mesure du temps pourtant thème de la soirée, le rubato c'est pas son truc à Gustav, ou alors je ne sais pas percevoir les subtilités de cette musique. Son enchainement de compositeurs de zones géographiques différentes donne une impression d'uniformité. Pourtant j'imagine qu'il respecte de façon scrupuleuse l'irrégularité des rythmes baroques. Le personnage est assez étonnant à voir, il paraît d'une raideur caricaturale et voulue. Semblant d'une certaine façon de bonne humeur, il donne un bis.

Finalement, je connais très mal le clavecin et son répertoire. J'ai l'impression qu'il faut une certaine culture d'écoute, qui fasse abstraction de l'absence de contrastes dynamiques et de l'austérité de l'instrument dont j'aime bien la sonorité.

J'ai l'impression que Leonhardt est un virtuose des polyphonies qu'il sait restituer avec beaucoup de clarté malgré le mécanisme très uniforme du clavecin, mais qu'il est d'une incroyable raideur dans les passages de danse.

En tout cas, une expérience étonnante et passionnante.

Commentaires

Anonyme a dit…
Ah, un peu d'animation, je désespérais !

Attention à l'illusion lors du changement de tempérament : je serais étonné que Leonhardt joue sur des corbillards déplumés.

Cela dit, l'accord d'un clavecin est un calvaire à faire passer le Golgotha pour un camp de Pierre Vacances (non miné). Alors, avec le changement de température...

Le programme est absolument génial, il a enregistré un disque avec ça (Frescobaldi / Froberger / Louis Couperin), avec une clairvoyance admirable dans le choix des pièces (il y a de tout chez Froberger, et là, c'est vraiment le plus chromatique qui est retenu ; excellents Frescobaldi aussi).

Son style un peu raide donne ici une limpidité appréciable, et tempère le caractère moins structurel des Italiens et Français.


Je n'aime pas beaucoup l'interprète, mais je dois saluer l'esthète, ici.
Anonyme a dit…
Je crois sinon que tu as très bien cerné les enjeux du répertoire (inventer quelque chose d'autre que les nuances dynamiques) et la personnalité artistique de Leonhardt (structure et clarté, mais pas vraiment d'abandon).

Cela dit, même en refusant largement la danse (ce qui est possible dans les suites pour clavecin), il convainc, parce que les pièces fonctionnent bien sur ce plan-là et qu'il leur apporte autre chose.
Anonyme a dit…
Etpuisd'abord, il a un vrai charisme de dos.
Fanch a dit…
Je me suis posé la question sur les changements de tempéraments dans Frescobaldi, ajouté à la complexité harmonique de ces pièces, mais je crois qu'il y avait un peu des deux (complexité harmonique + clavecin pas super stable). D'une certaine façon, ça m'a permis de rester très concentré sur ce que j'entendais.

Leonhard a une conception bien à lui du charisme. Ce sera de profil uniquement, et à grandes enjambées entre les coulisses et les clavecins. De dos, trop rapide, impossible de se faire une idée : il a à peine pivoté qu'il a déjà disparu.

Mais je me demande si ça ne fait pas partie du spectacle, un Leonhardt qui correspond à sa légende.

Si je disais qu'il est arrivé en chemise hawaïenne et en thongs, serrant dans ses bras tout le premier rang, est-ce qu'on me croirait ?
Anonyme a dit…
Ca paraît peu crédible (un peu comme voir Matthias Goerne hilare).

On laisse donc le charisme de dos à Karajan, si j'ai bien compris.
Fanch a dit…
Oui, j'avais bien compris que tu parlais de cet entretien hilarant dans un journal (c'était l'Express, non ?) du grand Gustav.

Seul point commun entre les deux hommes, un art consommé de l'auto-dérision ! (comment cela, je me trompe ?)
Fanch a dit…
du coup, j'ai écouté un peu de Frescobaldi au clavecin et si les harmonies sont en effet assez complexes, je crois vraiment qu'il y avait un souci avec le piou-piou Grimaldi (parce que même tarabiscoté, Frescobaldi ne ressemble pas à Stockhausen dans ce que j'ai entendu).

Le bon côté de la chose, c'est que ça m'a forcé à me concentrer sur la musique et à m'intéresser à Frescobaldi.

Je ne sais pas si cela fera de moi un fan hardcore de clavecin en concert. Il y avait quand même une ambiance très particulière, comme une réunion de secte, codifiée à l'extrême, sans le côté brouillon sympathique des grands concerts symphoniques lors desquels le public de comité d'entreprise se demande s'il faut applaudir ou pas. Ici, pas de question, tout semble convenu d'avance, temps, durée et intensité des applaudissements. D'ailleurs, je suis certain que Gustav verrait d'un mauvais oeil toute faute de goût en la matière. Assez glaçant, quand même.
Anonyme a dit…
Yes! Finally something about capriccio.

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