Destouches / Houdar de la Motte - Le Carnaval et la Folie - Opéra Comique


Après plusieurs articles tendance Lou Ravi et un article Lou Aigri à la Comédie française, peut-être est-il temps de trouver un juste milieu. Le Carnaval et la Folie donnée à l'Opéra comique, production du festival d'Ambronay 2007, est une bonne occasion.

Dans le cadre de la " découverte de la Tragédie Lyrique" entamée et qui de devrait trouvée son apogée cette année avec le Thésée de Lully le 25 février au Théâtre des Champs Elysées, et après un enthousiasmant Cadmus et Hermione de Lully, voici un Destouches de 1703, compositeur que j'ignorais, une "Comédie-ballet" interprétée par par une jeune troupe.
Toutes les raisons de s'enthousiasmer sont là : la musique de Destouches est extraordinaire, vivante, variée, aérienne et elle est idéalement rendue par une troupe impliquée dans laquelle tout le monde (sauf sans doute le chef Hervé Niquet) à moins de 30 ans.

1er février 2008 :

Carnaval : Paul Henry Vila
Folie : Mélodie Ruvio
Momus : Marduk Serrano Lopez
Plutus : Reinaud van Mechelen
Jeunesse : Emmanuelle de Negri
Jupiter : Marc Callahan
Vénus : Marion Tassou
Chef des matelots : Marc-André Pronovost
Professuer de folie : Enrique Alberto Martinez Rivera
Un musicien : Daniel Cabena
Un poète : Sorin Dumitrascu

Mais j'ai mis pas mal de temps pour me décider à faire un compte-rendu du spectacle. La raison peut paraître idiote : en sortant du théâtre, j'étais enthousiaste, mais je n'avais pas tout compris. Je n'avais pas compris grand chose en réalité. Je n'osais pas trop en faire part de peur de passer pour idiot et j'attribuais cela en grande partie à mes lacunes par une méconnaissance de ce genre de musique. Entretemps, après enquête, j'ai mieux compris diverses raisons de ma perplexité.

Le livret est très coupé. Il semble qu'il le soit plus encore que ce je ne le croyais, car le programme du spectacle comprend une édition du livret avec en grisé les passages qui n'ont pas été joués, en particulier le prologue qui est intégré à l'action et dont l'omission rend le début très confus. Ce que mes rapides recheerches m'ont fait comprendre, c'est que ce livret du programme est lui-même une version coupée de plusieurs personnages par rapport au livret original intégral. Ce que j'ai vu est donc très substantiellement amputé d'une partie de l'action.

Je ne comprends pas bien cette attitude. Le public contemporain est plus endurant que semble le croire un chef comme Hervé Niquet, le moindre blockbuster hollywoodien fait maintenant ses 2 h 30 heures grand minimum, plutôt 3 heures, et cela s'est fait de la volonté du public plus que des producteurs qui préfèreraient plus de rotation dans les salles de cinéma et des films plus simples à diffuser à la télévision. A tel point que j'ai entendu des amis se plaindre de ce qu'un film récent ne durait que 90 minutes et se demandant s'il valait bien la peine de payer un billet pour cela. Pourquoi dans ce cas faire des versions courtes des opéras ? la tarte à la crème selon laquelle ils seraient trop long est en contradiction totale avec les tendances actuelles en matière de spectacle.

L'autre raison serait qu'il faut ménager de jeunes chanteurs. Peut-être, mais dans ce cas pourquoi alors les programmer deux soirs de rang dans des rôles différents pour certains d'entre eux (Paul Henry Vila, Marc Callahan, Marduk Serrano Lopez) ? Quand à la folie de Mélodie Ruvio que j'ai vu et qui ne chantait que le vendredi 1er février, elle n'a montré que de l'aisance dans son rôle et pas le moindre petit signe de fatigue. En quoi fallait-il la ménager quand il est évident qu'elle aurait pu chanter une nouvelle fois le rôle en entier à l'issue de la représentation sans le moindre problème ? (Bon, je n'ai pas dit non plus qu'il fallait la faire chanter deux représentations de rang, hein. Soyons humains avec nos amis les chanteurs, tout de même).



Le grand inconvénient de ces coupures est que l'action devient quasi-incompréhensible. Il y a un sentiment d'une suite de numéros de chant et de danse très sympathiques, comme un spectacle de variétés mais pas celui d'une construction de l'esprit. Or, quoi qu'on en pense, ce Carnaval et la Folie est censé être inspiré d'Erasme, pas d'un spectacle familial.

Il m'a vraiment fallu lire le livret (déjà tronqué) pour comprendre l'histoire, à la vision du spectacle on ne saisit que quelques idées essentielles sur les personnages. La mise en scène n'aide pas beaucoup plus, dépouillée, elle ne choisit pas son camp entre littéralité, abstraction ou transposition. On ne comprend pas grand chose, et on est loin de la farce avec esprit que devrait être ce Carnaval. Elle se construit autour d'un tableau de Nicolo dell' Abate, l'enlèvement de Proserpine. L'indication de ce tableau qui ne me semble pas si évident à reconnaître au premier coup d'oeil ne figure pas dans le programme, magie d'Internet aidant, il a fallu que ce soit la chanteuse en personne qui me donne l'information. Maintenant, pour savoir le lien entre ce tableau et l'action, je n'ose pas déranger la chanteuse une seconde fois...

Retour au Louravisme. L'orchestre d'Ambronay dirigé par Hervé Niquet est peut-être ce que j'ai entendu de mieux en matière d'orchestre baroque : dansant, aérien, subtil. Les chanteurs sont très bons, même si ce n'est pas très homogène, mention spéciale à Mélodie Ruvio - la chanteuse qui sait ce qu'est le tableau si vous avez suivi - mais les autres ne déméritent pas. L'engagement sur scène est très bon et ils essaient de construire des personnages. Leur présence sur scène aide beaucoup, avec celle des danseurs, à faire du spectacle un grand succès.

La superstar est tout de même la musique de Destouches. Un compositeur que je ne connaissais que de nom mais qui m'a paru d'une richesse incroyable, à découvrir en priorité.

Reste en suspens une question dont je sais par avance la réponse qui me sera faite, le côté "pré-psychologique" du livret. La Folie est une figure, incarnation de la liberté et de la créativité, qui met à mal toutes les hiérarchies, rit des savants, joue avec ses caprices et ne respecte ni devoirs, ni parents, sans pour autant être une personne insensée que cela, ce qui serait plus le rôle du Carnaval, qui est lui un personnage qui paraît s'apparenter au peuple que la Folie aristocratique. Mais cette représentation est-elle seulement une figure, ou peut-elle aussi considérée comme un personnage à part entière tel que nous le définirions aujourd'hui, avec ses envies et ses pulsions. Probablement pas dans l'esprit des auteurs, peut-être, encore que cela soit très flou, dans l'esprit du metteur en scène, mais quelle que soit la réponse, la frontière me paraît très floue et cette Folie paraît très proche d'un personnage de fiction contemporaine, aussi anachronique que cela soit.

Prochaine étape de la Tragédie lyrique : Thésée le 25.

Commentaires

Anonyme a dit…
Tu ne connais pas Callirhoé ? Et tu peux vivre sans ça ?

Il va falloir y remédier, mon grand... [air sévère]

Oui, c'était apparemment un charcutage un peu confus, si j'ai bien compris : entre le principe retors de la pièce, les coupures de Niquet et la mise en scène déconnectée du sujet, ça n'aidait pas franchement à la compréhension.

N'empêche que j'aurais aimé y être. Surtout que la musique de Destouches est tout simplement la plus belle de tout le baroque français, ni plus ni moins.
Fanch a dit…
Oula, je viens de relire mon message, j'écris de plus en plus mal. Je vais au minimum refaire la ponctuation.

Je promets d'écouter Callirhoé, j'ai été très supris par la richesse de la musique de Destouches, envoutante et dansante, d'une orchestration très riche !
Anonyme a dit…
Oui, de très beaux contrechants, un élan sans pareil, de la danse partout...

C'est juste génial.

Et à côté de Calli ce n'est rien, si j'en juge par les extraits que j'ai pu entendre chez ta copie Mélodie.
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Bis repetita placent.
Anonyme a dit…
Non, mais si on gêne, il faut le dire tout de suite...
Anonyme a dit…
Heda, heda hedo !
Anonyme a dit…
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