L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford


Je vais faire une entrée dans ce blog sans idée précise de ce que je vais dire.

Pas de grande nouveauté me direz-vous. Bande de mauvaises langues.

Ce film d'Andrew Dominik est très étrange, il m'a fasciné par certains côtés, et déçu par d'autres. Ce n'est que le second film de ce réalisateur australien, j'ai eu l'impression d'un film qui aurait dû être un film alternatif, et qui s'efforce d'être un film de studio sans y parvenir.

L'impression qui s'en dégage pour finir est celle d'un film qui n'obéit à aucune règle prédéfinie, est maladroit mais d'une très grande intelligence. Avec des images magnifiques, tout est rythmé comme une marche funèbre, car comme quand on va voir un film sur le Titanic, on sait comment se termine l'histoire de Jesse James.

Pourtant le ton est ici iconoclaste. Jesse James apparaît bien peu héroïque, et l'attaque d'un train par une bande de bras cassés au début illustre bien l'ambiguïté du personnage. Loin du Robin des Bois que la légende à voulu en faire, c'est d'une brute qu'il s'agit. Qui a laissé toute sa bande tomber dans les mains de la justice quand lui s'enfuyait toujours miraculeusement. Ce Jesse James qui sera assassiné par un lâche est-il bien un héros ?

Il est pourtant une légende vivante, le seul américain que connaissant les européens, avec Mark Twain, plus connu par ses concitoyens que le président des Etats Unis. Héros de livres d'aventures à sa gloire et que le jeune Robert Ford a dévoré pendant toute son enfance, suscitant à ce sujet l'hilarité de ses frères. Jesse James est entouré d'une aura mythique.

Et à quoi ressemble une légende vivante ? Brad Pitt est assez incroyable dans ce rôle (et s'il ne décroche pas un oscar sur ce coup, c'est à désespérer des oscars, même si je m'en fous des oscars), simple humain, à la fois très décevant et jouant avec sa propre réputation. Jesse James est lassé de Jesse James, mais la simple vie de famille entouré de ses enfants lui est interdite, il le sait, même s'il est dans son élément quand il est dans son foyer. Il est dégouté par la part en lui qui est Jesse James, mais c'est cette part seule qui lui permet de survivre. Dès le début du film, c'est un mort en sursis, et il en est conscient. Il le souhaite ?

Il scrute les personnes autour de lui, mais aucune n'est capable de faire face à Jesse James. Trahi, il se force à les exterminer froidement et sans enthousiasme. Et ses victimes, comme les proies hypnotisées par un cobra, se laissent faire. Car quand on croit ce personnage sans ressources, on réalise son incroyable vivacité d'esprit et sa virtuosité à tirer qui ont fait que Jesse James n'est pas un usurpateur, il est bien une légende vivante et malheur à celui qui en douterait.



Robert Ford est aussi médiocre que les autres, même plus, mais il y en lui quelque chose d'illisible. C'est un "fan" de Jesse James comme on dirait aujourd'hui, mais que cherche t'il en vivant aux côtés de son idole ? Jesse James va le laisser l'approcher, sentant bien que la seule issue possible de laisser un personnage aussi immature et falôt sera sa mort. Il est curieux de voir comment cela va se dérouler, et le spectateur aussi.

Quelle est la nature de la relation entre Robert Ford et Jesse James ? Elle n'est jamais clairement définie, désillusion, fascination, terreur, besoin d'identification, mépris mais aussi amour probable du fan pour son idole, besoin de reconnaissance, croyance naïve que la gloire de l'assassiné rejaillira sur l'assassin, amour homosexuel impossible qui ne trouvera comme alternative que l'assassinat ? L'intérêt du film est de suggérer toutes ces pistes sans opter définitivement pour l'une ou pour l'autre malgré une voix off inutile et envahissante. CAsey Affleck fait une autre prestation d'acteurs parfaite.

La dernière heure du film est géniale, entre l'assassainat de Jesse James et les suites de celui-ci dans la vie de Robert Ford, la naissance de la vraie légende de Jesse James.

Un film que j'ai adoré, même s'il est un peu raté, il laisse ouvertes plein d'interprétations et il est porté par des acteurs assez époustouflants.



Petit ajout : plus le temps passe depuis que j'ai vu ce film, plus les souvenirs que j'en ai se magnifient. Il fait songer à beaucoup de films déjà vus, influences de Dead Man de Jim Jarmusch, Terrence Mallick, paysages à la Arthur Penn, intérieurs à la Deadwood. Film élégiaque et un peu trop solennel, mais splendide.

Sur la côté historique, intéressant de noter le côté médiatique de Jesse James - Brad Pitt est un casting idéal d'une certaine façon - avec conclusion sur le théâtre avec Robert Ford dans son propre rôle, cirque Barnum...

Un autre aspect du personnage de Robert Ford est repris de Samuel Fuller et le très beau " J'ai tué Jesse James" qui se sacrifi parce que quelqu'un doit le faire.

Idée intéresante qu'on m'a suggéré sur un forum, serait-ce une version sérieuse de " Mon nom est personne " ? Pas impossible, mais dans ce cas plus complexe.

En conclusion, un peu de musique :

The ballad of Jesse James

ou bien dans une version délicieusement atroce :

Charly Oleg a des concurrents aux USA !


Rassurez-vous, dans le film la ballade est chantée par Nick Cave qui apparait en cameo.

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