L'affaire Makropoulos - Janacek - Opéra Bastille


Il est grand temps que je fasse une nouvelle entrée ici.

Hier soir, L'affaire Makropoulos de Leos Janacek à Bastille, un opéra créé en 1927, d'après une pièce de théatre à succès en 1922 de Karel Capek. Il s'agit de l'avant dernier opéra de Janacek, mort en 1928.

J'avais déjà vu un opéra de Janacek cette saison à l'opéra de Nantes, le premier opéra créé en 1904, Jenufa, drame social misérabiliste dans la campagne tchèque. Cette production avec sa mise en scène qui m'avait paru trop littérale - mais est ce que c'est possible de produire un opéra vériste dans une mise en scène non-réaliste ? - valait surtout pour la magnifique incarnation de Jenufa par Olga Guryakova, soprano russe qui portait seule sur ses épaules toute la représentation, et qui l'a fait avec une classe phénoménale.

24 années plus tard, dans l'Affaire Makropoulos, c'est encore le rôle féminin qui tient toute l'oeuvre, cette fois Elina Makropoulos, femme fatale aux multiples personnalités, fille d'un alchimiste du roi Rodolphe II de Prague, née en 1585 et toujours vivante à la date à laquelle se déroule l'action, en 1922, 337 ans plus tard ! Au début de l'opéra, sous l'identité d'Emilia Marty, diva de renommée mondiale, elle se mèle à une sombre affaire de succession devant les tribunaux tchèques, alors qu'elle ne semble avoir aucun intérêt direct ce dossier. Quelles sont les intentions de la vénéneuse et sulfureuse Emilia Marty ?




Le livret a été écrit par Janacek lui même, qui n'avait pas réussi à convaincre l'auteur Karel Capek de travailler avec lui. Karel Capek est aujourd'hui presque inconnu, hormis le succès de l'opéra de Janacek, il était pourtant un des écrivains les plus célèbres de son époque, en particulier en Grande Bretagne. Ecrivain-philosophe, un des pionniers de la science fiction, il avait été pressenti au moins sept fois pour le Prix Nobel mais ne l'avait jamais obtenu, semble t'il pour ne pas froisser les susceptibilités de l'Allemagne nazie, car il avait pris à de nombreuses reprises position contre Adolf Hitler. Après son roman " La Guerre des Salamandres" en 1936, le Comité Nobel lui aurait même conseillé "d'écrire un roman qui n'attaquerait rien ni personne". Sa réponse fut " Mais j'ai déjà écrit ma thèse de doctorat... ". Anecdote : dans sa pièce de théatre RUR de 1920, il emploie pour la première fois le terme "robot" qui sera repris dans la langue anglaise.

Mais trève de copier/coller du programme de l'Opéra Bastille sur un auteur que je ne connais pas, il est question de cette représentation de l'Affaire Makropoulos.

Franchement, une grande réussite, sans soute ce que j'ai vu de mieux cette saison.



Il y a deux grands triomphateurs à cette soirée, la soprano dramatique Angela Denoke, qui a un timbre extraordinaire et donne une grande force émotionnelle à son personnage, et le jeune chef d'orchestre tchèque Tomas Hanus, quasi inconnu, mais qui réussit à faire de l'Orchestre de l'Opéra de Paris une immense formation, ultra précise, claire, juste et intense, chose que je croyais improbable suite aux précédentes expériences de la saison. Et en plus, il réussit cet exploit dans une partition qui a l'air tout sauf évidente. Sa direction est d'une articulation parfaite, et en plus, luxe suprème, il ne couvre jamais les chanteurs tout en dramatisant la partition avec beaucoup d'énergie. C'est bien simple, je n'ai pas reconnu mon Orchestre de Paris habituel. Qu'est ce qui s'est passé ? (Seul bref retour à la normalité : les choeurs masculins finaux ont commencé leur première intervention totalement faux, avec pour réaction un grand sourire narquois sur le visage. Leur deuxième intervention était parfaite cela dit).

Le metteurs en scène est Krzysztof Warlikowski, et il a choisi une évocation des femmes fatales du cinéma pendant tout le spectacle. Sont donc invoquées dans le rôle du golEM Elina Makropoulos(les initiales EM du personnages pricipal seraient une référence à cette créature fantastique) Marlène Dietrich, Greta Garbo, Gloria Swanson, Gena Rowland et surtout Marylin Monroe, dont Angela Denoke porte des robes célèbres à plusieurs reprises. Ces scènes glamour alternent avec des passages délibérément glauques, qui soulignent le côté sordide de la réalité en comparaison de l'image lumineuse projetée par les stars, d'où des décors de toilettes, de salles de bains, d'arrières salles. Mais ce qui domine dans cette mise en scène est son côté ludique, avec même un King Kong grandeur nature sur l'immense scène de Bastille.

L'enthousiasme des chanteurs, de l'orchestre et de la mise en scène pour cette production est communicatif, et au final c'est un triomphe public mérité.

Commentaires

Chevalier Bayard a dit…
HÉ !! FAUT SE RÉVEILLER DANS CE BLOG !!!!

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