Macbeth de Verdi - Opéra Bastille - Esprit, es-tu là ?


Tiens, voilà un excellent spectacle pour discuter des mises en scènes classiques ou transposées.

Débat qu'il est temps d'avoir, d'ailleurs, avec l'arrivée de Nicolas Joel à la direction de l'opéra de Paris, les jours du Regietheater à l'allemande sont comptés dans notre belle capitale. Peut-être aussi les jours de la la mise en scène, car des mises en scène de Nicolas Joel lui-même sont prévues, et franchement, entre une mise en scène de Nicolas Joel et pas de mise en scène, la différence n'est pas toujours évidente... Mais c'est un autre débat.

Avec cette mise en scène de Dmitri Tcherniakov, on se trouve en face d'un autre problème : celui de la mise en scène très fouillée mais incompréhensible.

C'est la seconde fois que je vois une mise en scène de ce russe. Il avait présenté un Eugene Onéguine de Tchaïkovsky légèrement transposé mais très classique en septembre, avec une direction d'acteurs bluffante.

Dans ce Macbeth aussi, la direction d'acteurs est impressionnante. Rien n'est laissé au hasard, chaque geste est pensé et à un sens. Le souci, c'est que quand je dis cela, je veux dire : on voit bien que chaque geste est pensé et a un sens. Le souci, c'est qu'on ne comprend pas ce que le metteur en scène a pensé et quel sens il a voulu donner.

Pas d'Ecosse, pas de sorcières, pas de forêt qui avance. Même pas de kilts ni de hallebardes. Un microcosme petit bourgeois que l'on suit depuis Google Earth, histoire de nous dire que cela pourrait être n'importe où (encore que, il semble bien que cela soit en Russie) et n'importe quand : les costumes, élégants, sont étranges de ce point de vue, ils sont " bourgeois XXème" sans époque précise.

Sinon, c'est aussi une guérilla urbaine suivie par l'intermédiaire de Google Earth.

Macbeth est un notable local, médiocre. La conscience de sa médiocrité mélangée avec sa soif de pouvoir, aidée par sa femme, lui fait croire qu'il est devenu roi d'Ecosse, en gros. S'ensuivent quelques meurtres et une révolte pas claire pendant que sa femme essaie de sauver les apparences.

Rien n'est aisé à suivre.

Les sorcières ont été remplacées par un chœur. Pourquoi ? Qu'est ce que le surnaturel a de si effrayant pour un metteur en scène du XXIème siècle ? Très franchement, je n'en ai aucune idée. J'y vois plutôt une espèce de conformisme des milieux intellectuels qui assimilent tout cet aspect à de la sous-culture. A vrai dire, je ne sais pas.

Le spectateur de ce Verdi est en permanence confronté à un double problème :




- suivre la mise en scène. C'est difficile, beaucoup de choses sont suggérées et les personnages décrits sont assez complexes.

- suivre la pièce originale. C'est nécessaire, parce que c'est le texte qui est chanté.

L'alternative serait la suivante : totalement cesser de lire les surtitres et simplement suivre l'action scénique. Ou bien ne lire que les surtitres et ne pas regarder la scène.

Ou bien faire comme moi, essayer de suivre les deux; Exercice périlleux mais stimulant pour le cerveau (l'Opéra de Paris pourrait ainsi aider les personnes
touchées par la maladie d'Alzheimer : tester vos capacités d'abstraction et vos capacités à suivre deux histoires en même temps qui n'ont aucun lien).

Une autre question que je me pose parfois : pourquoi ce type de metteur en scène n'écrit-il pas, plutôt que de réécrire les pièces des autres ? Un manque de courage, le choix de la facilité ? Parce que dans ce cas, on peut douter du moindre intérêt porté à la trame de Verdi ou de Shakespeare. Enfin, je n'en sais rien non plus...

Une autre chose me chiffonne : c'est devenu très à la mode de faire chanter derrière un voile. Ici, comme des projections de Google Earth sont faites sur la totalité de la surface de la scène, il y a un voile transparent qui sert d'écran de ciné, mais cela veut dire que les chanteurs chantent en permanence derrière ce voile, voire derrière ce voile puis des rideaux quand en plus il y a un rideau sur scène. Vu l'acoustique de l'Opéra Bastille qui tend à étouffer les voix, c'est de la stupidité pure.

Quoi qu'il en soit j'ai passé une bonne soirée, c'est du bon théâtre que fait Tcherniakov, on ne s'ennuie pas un instant suivre ce qui se passe sur scène. C'est très élégant sans être de la déco, incontestablement quelque chose résonne entre sa mise en scène et le monde dans lequel nous vivons. Il fait du Regietheater au sens strict d'une mise en scène dialectique, qui interroge l'œuvre. Et son Oneguine de septembre montre que ce n'est pas un adepte de la provocation gratuite ni du technologique branchouille.

La direction du chef Teodor Currentzis est très drôle. Il est jeune, enflammé, part dans tous les sens. Il est à la fois à la mode et il énerve. Il est loin de la norme du chef d'orchestre sérieux (Richard Strauss disait qu'il dirigeait avec une main dans la poche de son gilet et que s'il devait l'utiliser pour diriger, c'est qu'il y avait un gros souci). Currentzis fait des onomatopées, souffle, agite les bras en moulinets, pointe dans des directions bizarres, c'est presque en soi une annexe de la mise en scène. Il n'empêche qu'il propose une version très théâtrale de la partition, ce n'est pas de l'esbroufe, c'est sa façon d'être et le résultat est intéressant et vivant. Je ne sais pas comment il évoluera, vers plus de sobriété ou non, mais c'est un chef qui dégage quelque chose de sympathique.



A l'origine, c'est Carlos Alvarez qui devait assurer le rôle titre. Le baryton-Verdi a eu une saison chaotique et a été remplacé par Dmitri Tiliakos, excellent. Il incarne un Macbeth dépassé par les évènements, au chant subtil est touchant, mais sa voix est peut-être insuffisamment projetée pour l'immense salle de Bastille. Il n'empêche qu'il y a eu des airs d'une grande beauté (le dernier air de Macbeth, en particulier).

Violetta Urmana est bien plus impliquée que ce que l'on peut lire ici ou là, même si elle n'incarne pas une Lady Macbeth déchaînée. Le timbre n'est pas beau en soi, elle souffre un peu dans les aigus, mais en revanche elle est d'une maîtrise impressionnante. C'est du chant sans sucre ajouté, sobre et puissant. Elle n'est pas mauvaise actrice non plus, contrairement à mes craintes.

Stefano Secco fait un MacDuff de luxe, dans une leçon de chant verdien par un ténor que je trouve plus impressionnant à chaque fois que je l'entends, et Ferrucio Furlanetto a toujours sa voix avec son impact énorme.

Tous ces éléments font de ce Macbeth une production intéressante, même si pas forcément impeccable ni complètement aboutie (je crois que je maîtrise de mieux en mieux l'art de la phrase qui ne veut rien dire...)


Commentaires

Anonyme a dit…
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